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Entretien avec Pierre Dutilleul

Directeur général du Syndicat National de l’Edition, Pierre Dutilleul nous parle du bilan de l’édition française en 2016. Une année qui a été marquée par la forte croissance du secteur para-scolaire. Entretien.

Lecthot : L’enquête annuelle de branche 2017 (selon les données 2016) du Syndicat national de l’édition montre un recul de la littérature générale par rapport au secteur scolaire. Comment analysez-vous cette situation ?

Pierre Dutilleul : La réforme des programmes scolaires de cette année a mis en place 14 nouveaux manuels scolaires. C’est un chiffre exceptionnel et cela a généré un surcroit d’activité en librairie pour gérer les commandes de ces nouveautés. Pour ce qui est des autres secteurs, la jeunesse est en croissance. En ce qui concerne la BD, il y a les années avec Astérix et les années sans : 2016 était une année sans. En 2017, il y en aura un.

En bref, le nombre d’exemplaires vendus (hors scolaire) a augmenté de 2,5% en 2016. Ce chiffre est à mettre en regard avec celui de la croissance du chiffre d’affaires hors scolaire qui est de +0,11%. En 2017 cette croissance devrait se poursuivre, portée notamment par la BD mais également par la deuxième vague de renouvellement des manuels scolaires.

En ce qui concerne la littérature générale, il y a des ouvrages qui sont plus ou moins forts d’une année sur l’autre. En 2014 et 2015, les ouvrages de Valérie Trierweiller, de Michel Houellebecq, des séries telles que After ou Millenium 4 avaient occasionné une hausse du marché. Le recul de 2016 est de ce fait principalement facial. Les élections ont aussi eu un impact, les éditeurs choisissant de reporter quelques sorties. Mais en fin d’année le marché devrait repartir à la hausse avec une rentrée littéraire qui s’annonce excellente. Après s’être tournés vers la politique au début d’année, les lecteurs devraient maintenant revenir à la littérature.

L : La prescription média par le biais d’émissions comme La grande librairie est aujourd’hui déterminante dans la vente des livres. Quels sont les autres moyens de muscler la prescription hors médias ?

P. Dut. : Le pouvoir prescripteur des médias et notamment de la télévision est très important. Auparavant, on parlait de l’effet « Pivot » avec Apostrophes. Aujourd’hui La Grande Librairie, grâce au formidable travail de François Busnel, est déterminante dans la vente de livres. Plus précisément dans le choix des livres vendus, car ces émissions s’adressent à des publics qui achètent déjà beaucoup de livres.

D’autres émissions, comme celles de Laurent Ruquier, ont aussi un rôle prescripteur car elles s’adressent à un public qui n’est pas forcément consommateur régulier de littérature.

A cela s’ajoute aussi bien sûr le rôle des réseaux sociaux, qui amènent le livre au lecteur de manière très efficace, et puis le bouche à oreille qui conserve une grande importance dans le succès d’un livre. Enfin, le rôle des libraires, qui échangent entre eux et fournissent des conseils de qualité à leur clientèle, reste déterminant également.

L : Comment procéder pour que ce bouche à oreille puisse s’opérer aussi sur internet ?

P. Dut. : Aujourd’hui des entreprises comme Lecthot appliquent la même méthode dans un contexte technologique différent. Dans ce secteur aucune entreprise n’a à ce jour de leadership. Aujourd’hui, pour un consommateur qui sait exactement ce qu’il veut lire, il suffit d’aller sur Amazon. Mais pour quelqu’un qui s’interroge sur ce qu’il a envie de lire, il lui sera plus utile d’aller sur un site d’avis certifiés. Ce genre de site qui donne une palette d’avis et d’informations, permet au lecteur de réfléchir et de faire son choix, de manière éclairée et libre.

L : Quel regard porte le milieu de l’édition sur le e-commerce ?

P. Dut. : Aujourd’hui, le e-commerce est devenu un canal de vente important pour les livres en support physique. Ce pourcentage est stable car la librairie indépendante résiste très bien en entretenant un vrai professionnalisme et un dialogue avec le monde de l’édition. Les libraires s’adaptent aussi avec de nouveaux outils : ils créent en ce moment une base de données qui permet de savoir à tout moment où trouver un livre précis près de chez soi.

Le e-commerce tend à entraîner une désocialisation de l’acte d’achat. Par exemple, le « drive » en supermarché qui permet aux gens de passer directement récupérer leurs achats à l’entrepôt a une conséquence : ces gens ne passent plus par le rayon livre en faisant leurs courses et ne font plus d’achats d’impulsion. Il faut donc trouver des façons de compenser la disparition de ce mode de vente. Il n’y aura pas de solution miracle mais beaucoup de solutions existent. Celle que propose Lecthot en est une, car l’humanisation est toujours amenée à jouer un rôle important. On a toujours besoin d’être rassurés sur ce qu’on achète. Quand c’est un pneu, on peut faire confiance aux normes, quand c’est un roman de l’été, on peut faire confiance aux qualités éditoriales des éditeurs et consulter l’avis des autres lecteurs !

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