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Les artistes sont-ils fous ?

Antonin Artaud est mort dans un asile psychiatrique, tout comme Maupassant, qui était en proie à de terribles hallucinations. Gérard de Nerval avait l’habitude de promener un homard au bout d’une laisse. Zola comptait les becs de gaz lors de ses promenades dans Paris, et ne sortait de chez lui que du pied gauche.

La folie irait-elle de paire avec l’imagination et la création artistique ? Récemment, des études ont prouvé que les écrivains et autres artistes avaient plus de chances que la moyenne de connaître des troubles mentaux.

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Les artistes sont des fous, c’est prouvé !

Dans une étude publiée en septembre 2012 dans le Journal of Psychiatric Research, le Dr Simon Kyaga de l’Institut suédois Karolinska a tenté de prouver qu’il existait bel et bien un lien entre les troubles mentaux et la créativité. En prenant pour sujet plus d’un million d’individus diagnostiqués de troubles psychiatriques, et leurs proches, le Dr Kyaga a suivi leur évolution pendant une durée de quarante ans, afin de déterminer la relation entre professions artistiques et maladies mentales. Si les résultats de la recherche ne prouvent pas que les artistes sont tous des fous, ni que tous les fous sont des artistes, ils mettent incontestablement en avant le lien entre créativité et folie.
Les génies créateurs sont plus susceptibles que le commun des mortels de souffrir de maladies mentales (schizophrénie, bipolarité, dépression, tendances suicidaires, addiction, manies compulsives, ‘tocs’, etc).

Le cerveau des artistes en suractivité

En 2013, Andreas Fink, à l’université de Graz en Autriche, a publié une étude dans laquelle il établit que le lien entre créativité et folie serait perceptible dans l’activité du précuneus, une partie de notre cerveau liée à la conscience de soi et la mémoire. Alors que pour les personnes jugées « normales », cette partie ne s’active qu’aux moments de repos, pour les esprits créatifs, il est toujours en activité. Si les gens ordinaires peuvent se concentrer entièrement sur une tâche, les personnes créatives ne peuvent rien faire, rien voir, rien entendre, sans que ces occupations les renvoient à une certaine perception d’eux-mêmes, ou à un souvenir.

Cette suractivité, dirons-nous, implique que le cerveau ne se repose jamais. Comme toute surcharge de travail, cela peut entraîner des tendances maniaques et dépressives, voire de la schizophrénie. C’est pourquoi tant d’écrivains sont connus pour avoir souffert de problèmes mentaux, tel Tolstoï qui, dans Notes d’un fou, décrit très bien sa propre maladie, développée dans son enfance. On comprend mieux Baudelaire lorsqu’il disait dans sa préface des Fleurs du Mal :

Ne rien sentir, dormir et encore dormir, tel est aujourd’hui mon unique vœu. Vœu infâme et dégoûtant, mais sincère.

La dépression est une maladie commune au sein des cercles artistiques, depuis les Romantiques en proie au mal du siècle, et bien sûr, les poètes maudits. Mark Twain, Tenessee Williams, Scott Fitzgerald… Et puis Hemingway et Virginia Woolf qui ont d’ailleurs mis fin à leurs jours. Aujourd’hui Michel Houellebecq, Stephen King, et J.K. Rowling entre autres, sont aussi connus pour avoir souffert de la dépression.

Mais, alors faut-il être fou pour être écrivain ?

Cette déficience mentale établie par Andreas Fink (ou faculté ?) est cependant essentielle au génie créateur. Les écrivains (et autres artistes) exercent un métier qui nécessite observation, imagination et organisation. L’artiste, qui puise son inspiration dans son quotidien, contraint son cerveau à créer constamment des liens entre différents éléments, observation et idée, observation et souvenir, observation et imagination, etc. Il ne faut donc pas nécessairement être fou pour être artiste, mais cela pourrait aider.

La création artistique, un acte de folie ?

Ce n’est donc pas non plus un hasard si la folie est un thème particulièrement apprécié et récurrent chez les écrivains. De Mrs Havisham, (la folle célèbre des Grandes espérances de Dickens), au narrateur du Horla de Maupassant, le fou est le personnage littéraire par excellence.

Inventer un monde de fiction, n’est-ce pas déjà en soi faire preuve de déraison ? Selon le philosophe Michel Foucault, la folie est tout simplement le contraire de la raison. Donner tant de crédibilité et d’attention à un monde et des personnes qui n’existent pas est signe de folie.

Dans Le Horla le narrateur questionne justement cette appellation de « fou » qu’on lui donne pour avoir affirmé habiter avec un être invisible, qu’il a nommé le Horla (nom composé de « hors » et de « là » pour désigner un être hors de ce monde). Alors que le narrateur avance des preuves de l’existence de cette créature (des pages de livres qui tournent par elles-mêmes, un verre de lait qui se vide tout seul, etc), le lecteur demeure sceptique quant à la santé mentale du narrateur.

Et pourtant, vivre avec des êtres imaginaires, n’est-ce pas ce que fait tout écrivain ? Suivant la même logique implacable qui condamne le narrateur du Horla à la folie, tous les écrivains seraient donc fous ! 

La folie : contagieuse par la lecture ?

Mais alors, nous, lecteurs, serions nous fous également ? Car après tout, la lecture développe la créativité et l’imagination (liées à la folie selon les études).

De même que nous nous mettons à croire à la présence de cet être extra-terrestre ou surnaturel qu’est le Horla, nous croyons souvent (l’instant d’une lecture) aux histoires les plus farfelues d’écrivains. Nous rions et pleurons avec des personnages qui n’existent pas.

Inutile de se leurrer, « hypocrite lecteur, mon semblable, mon frère »

Ashley Cooper

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