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Le traducteur littéraire, auteur lui aussi ?

 

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À l’heure où la mondialisation régit les relations internationales, la traduction a toute sa place. Le métier de traducteur littéraire est donc prisé, mais il a ses inconvénients et ses incertitudes. Une chose qui ne doit pas faire l’objet de doutes : le statut du traducteur littéraire. Lui aussi est un auteur.

La France est le pays dans lequel se côtoient des traductions de dizaines de langues différentes, offrant ainsi une diversité de littérature et de culture incomparable, la plaçant en première position des pays proposant le plus d’ouvrages traduits. Par ailleurs, le français est la deuxième langue la plus traduite dans le monde, après l’anglais. Selon une enquête de Livres Hebdo/Electre, la part des traductions dans les ouvrages commercialisés en France a été de 17,4% en 2014, les trois langues les plus traduites étant l’anglais, avec 7 060 titres, représentant 59,5% des traductions ; le japonais avec 1 396 titres, constituant 11,8% des traductions ; l’allemand avec 644 titres, regroupant 5,4% des traductions.

Le métier de traducteur littéraire

Pour devenir traducteur littéraire, il est conseillé de faire un parcours académique dans les langues, même si les traducteurs freelances ne sont pas forcément passés par-là. Ainsi, il est possible de suivre des études de traduction dans les grandes écoles que sont l’ISIT (Institut de management et de communication interculturels) et l’ESIT (Ecole supérieure d’interprètes et de traducteurs) à Paris, mais aussi des cursus à l’université par le biais de masters professionnels : Etudes anglophones spécialité traduction littéraire à Paris Diderot, Métiers de la traduction à Bordeaux 3 Michel de Montaigne, ou encore Traduction littéraire et transferts culturels à Aix-Marseille Université. Ces formations permettent d’acquérir une connaissance théorique et pratique de la traduction, mais elles ne garantissent pas l’accès à un poste ou l’insertion dans le milieu, car la traduction littéraire est une branche bouchée où il est difficile de se voir offrir une opportunité, surtout lorsqu’il s’agit de l’anglais.

La traduction littéraire est la traduction de toute œuvre soumise à la propriété intellectuelle. Les traducteurs littéraires exercent ce métier par passion, et il faut qu’elle soit grande, car il est difficile d’en vivre, et de plus la concurrence est rude et les délais de production souvent serrés. Traduire une œuvre est un travail de longue haleine qui peut s’avérer frustrant, parce qu’il faut faire des choix et accepter parfois l’incapacité de rendre de manière tout à fait fidèle les spécificités d’une certaine langue. Comme l’indique l’expression italienne « traduttore, traditore », traduire, c’est trahir. Comme chaque langue est spécifique à un pays et à sa culture, il convient parfois d’opérer quelques adaptations, d’avoir recours à d’autres formulations, s’éloignant ainsi un peu du message original.

Néanmoins, le traducteur ne se voit pas comme un traître, mais plutôt comme un passeur de sens et de culture. C’est à lui que revient la tâche de faire le pont entre différentes langues, différentes catégories de pensée, et de permettre à chaque lecteur de s’ouvrir un peu plus au monde. Il a donc un rôle primordial, qui ne laisse pas droit à l’erreur. Une traduction de qualité médiocre ne laisse aucune chance à son auteur de percer dans le milieu. Car pour y arriver, il faut faire preuve à la fois de persévérance et de talent. Seules les meilleures traductions sont susceptibles d’attirer l’attention des éditeurs, qui ne laissent souvent une chance aux nouveaux traducteurs que lorsqu’ils sont spécialisés dans une langue que peu d’entre eux maîtrisent, comme le russe, l’arabe ou le chinois (en 2014, le russe représentait 1% des traductions, l’arabe 0,8% et le chinois 0,6%). Les traducteurs novices constituent un avantage pour les maisons d’édition car ils sont souvent payés moins cher que les traducteurs aguerris.

Aux yeux de la loi, le traducteur est un auteur et son travail est protégé. Ainsi, son nom doit apparaître non seulement dans le livre mais aussi sur la couverture, ce qui est très rare, et il perçoit des droits d’auteur, généralement de 1 à 2% au maximum. Nul n’a donc le droit de le plagier. En règle générale, quand il travaille pour une maison d’édition, un traducteur littéraire ne perçoit pas un salaire mais un à-valoir, c’est-à-dire une somme calculée au feuillet (page de 25 lignes et 60 signes) ou au mot (selon l’ATLF, l’Association des traducteurs littéraires de France, le prix au feuillet serait en moyenne de 20€). Le versement de l’à-valoir peut se faire en trois fois : la première partie lors de la signature du contrat, la deuxième lors de la remise du manuscrit et la troisième lors de l’acceptation de la traduction. Tout comme pour l’auteur du livre, l’éditeur doit fournir au traducteur le relevé des ventes et il est aussi tenu de continuer à tirer le livre s’il arrive à épuisement, et ce jusqu’à la date indiquée dans le contrat. Tout manquement de la part de l’éditeur peut le conduire en justice.

Un exercice de virtuose

Le traducteur littéraire présente souvent une grande ouverture d’esprit, qui lui permet de s’approprier les codes culturels de la langue source, celle qu’il traduit, pour les retranscrire dans la langue cible, celle dans laquelle il traduit. Aussi cela pose-t-il de nombreuses difficultés, car le traducteur doit avoir la capacité de faire résonner sa voix à l’unisson avec celle de l’auteur original, reconstituer son univers tout en essayant de l’adapter au public de la langue cible, être à la fois auteur et interprète, créateur et passeur. Si son métier est très solitaire, encore plus que celui d’écrivain, il peut quand même entrer en contact avec des confrères lors d’Assises de la traduction littéraire organisées tous les ans pendant trois jours par ATLAS (l’Association pour la promotion de la traduction littéraire) et se tenant à Arles (Bouches-du-Rhône). Très souvent, ces Assises ont un thème : en 2014, c’était « Traduire la guerre ». Par ailleurs, l’association propose des ateliers de traduction, aussi bien pour les professionnels que les non-professionnels.

Il existe aussi des prix récompensant les traducteurs, tels que le National Translation Award et le Helen and Kurt Wolff Translator’s Prize aux Etats-Unis. En France, on recense notamment le Prix Maurice-Edgar Coindreau et le Prix Lémanique de la Traduction. Malgré cela, le traducteur littéraire est rarement mis sur le devant de la scène et les lecteurs le méconnaissent. Il demeure un écrivain de l’ombre.

Michelle Mbanzoulou

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