À cinq ans, Petit Jean découvre la présence de l’Autre, cet homme qui n’est pas son père mais qui a le pouvoir de transformer sa mère. Jaloux, il tente de pénétrer la bulle que les deux amants se sont créée, sans grand succès. Un jour, l’Autre disparaît de leur vie, laissant sa mère dévastée. Ni elle ni Petit Jean ne se remettront vraiment de ce départ. Bien des années plus tard, Jean est un employé de banque discret, un père et époux absent. Mais lorsqu’il est envoyé en mission à P., sa vie bien rangée est bouleversée. Le fantôme de l’Autre s’y manifeste sous les traits de Colette, une femme envoûtante, portrait craché de sa mère, qui va l’entraîner dans une vie parallèle passionnelle et conflictuelle. Car comme sa mère, il ne parvient pas à se décider à suivre l’Autre et ne peut offrir à Colette, de plus en plus exigeante, ce qu’elle souhaite. À ce tandem amoureux déjà complexe vient se rajouter Émile, collègue et double troublant de Petit Jean, qui espère pouvoir donner à Colette ce que l’original lui refuse. La vie du trio bascule le jour où la femme de Jean est retrouvée poignardée au milieu de ses fleurs.
Plus la détresse de Colette grandissait, plus Milou se sentait attiré par elle. Elle se mit à broyer du noir et comme Moulin, elle se refermait comme une huître. Elle prenait de plus en plus souvent des somnifères et sa consommation d’alcool devenait régulière. Elle tenait des propos incohérents et souvent affichait une mélancolie que même son extrême gentillesse ne parvenait pas à dissiper. Une idée fixe envahissait son esprit : faire disparaître Bonnie. Si Moulin ne pouvait pas l’extraire de sa vie alors il fallait que ce soit Bonnie qui s’efface pour laisser la voie libre à leur amour. Cette idée n’était plus un fantasme, elle réclamait un passage à l’acte. Elle ne doutait pas de l’amour de Moulin pour elle, elle le savait loyal mais faible ; il fallait l’aider à sortir d’une situation qui l’étouffait.
– N’est ce pas Milou, tu es d’accord avec moi ? Moulin étouffe, tu le dis toi-même ?
– Oui, Colette c’est vrai …
– Donc il faut l’aider. Nous sommes ses amis. Nous devons faire quelque chose avant qu’il n’arrive un malheur.
– Qu’est-ce que tu entends par malheur ?
– Un suicide par exemple. Si je pars, Moulin ne le supportera pas.
– Tu ne vas pas l’abandonner ?
– Qui sait ? J’en ai marre moi aussi.
– Nous allons trouver une solution, Colette.
Colette ne pouvait plus attendre; plus elle se languissait, plus elle s’étiolait. Elle fondait de plus en plus souvent en larmes dans les bras de Milou. Un soir il la serra plus fermement que de coutume. Le hasard de l’étreinte conduisit l’une de ses mains sur le fessier de Colette qu’il avait souvent caressé des yeux. Sa fermeté le surprit agréablement. Il laissa sa main profiter de ce moment délicieux qui s’offrait à lui, troublé par son propre trouble. Il susurrait à son oreille de dissimuler son impatience mais il sentait bien que la situation devait évoluer rapidement au risque d’exploser. Moulin comme elle était emprisonné, pris dans les mailles d’un filet dont il ne pouvait s’extirper. Ils se débattaient sans résultat. Milou assistait en spectateur impuissant, essayant de calmer les ardeurs de chacun. Au fil du temps, il perdit son statut de témoin et glissa lui aussi dans les mailles du filet. Il se mit à vivre tourmenté et agité. À présent, ils étaient trois dans le piège. Il mit un certain temps pour en prendre conscience. Il avait vécu en solitaire de nombreuses années, toujours dans la marginalité. Il avait mis son énergie au service de sa seule passion, le jeu d’échecs qui lui permettait de vivre dans un cadre qui l’abritait. La rencontre avec Moulin le fit sortir de ce cadre ; il pensait avoir trouvé son alter ego dans la marginalité. Le hasard avait bien fait les choses car jamais il n’avait ressenti ce sentiment de bien être avec quelqu’un. Et puis, il y eut Colette. Qui était-elle sur l’échiquier ? Il n’aurait pas dû s’immiscer dans cette relation. Il aurait dû observer, avancer caché comme il l’avait toujours fait avec ses équipes et aux échecs. Il s’était fait piéger en somme. Embourbé. Il était devenu le fou du roi.
L’Autre, à lire en intégralité sur MyLecthot.com