Le bonheur est une potiche posée sur le nez d’un mandarin ivre et qui éternue.
Officier de la marine, et écrivain élu à l’Académie Française en 1891, la vie de Pierre Loti fut ponctuée par des escales aux quatre coins du monde. Son œuvre, au parfum d’orient, à l’image des différents horizons qu’il a côtoyés, est riche et exotique.
L’appel du large
Julien Viaud, dit Pierre Loti, né à Rochefort, est le troisième enfant de Théodore Viaud, un receveur municipal de la mairie de Rochefort, et de Nadine Texier Viaud. Son frère Gustave, de 14 ans son ainé, est un objet de fascination pour l’enfant. C’est sous son influence que Pierre prendra goût à la vie de marin, désireux d’en faire sa carrière. Pierre entre alors à l’Ecole Navale, et prend la mer pour la première fois en 1870, assouvissant enfin la passion qui le dévore depuis l’enfance. De là, il n’aura de cesse de sillonner les océans, et de noter précieusement chacune de ses impressions, faisant de la mer, le thème majeur de ses récits. C’est à Tahiti, l’un de ses premiers voyages, qu’il se fait baptiser Loti (fleur) par la reine Pomaré.
« Puis, tout à coup, je m’arrêtai glacé, frissonnant de peur. Devant moi quelque chose apparaissait, quelque chose de sombre et de bruissant qui avait surgi de tous les côtés en même temps et qui semblait ne pas finir; une étendue en mouvement qui me donnait le vertige mortel… Évidemment, c’était ça; pas une minute d’hésitation, ni même d’étonnement que ce fût ainsi, non rien que de l’épouvante; je reconnaissais et je tremblais. C’était d’un vert obscur, presque noir; (…)
Nous restâmes un moment l’un devant l’autre, moi fasciné par elle. Dès cette première entrevue, sans doute, j’avais l’insaisissable pressentiment qu’elle finirait un jour par me prendre, malgré toutes mes hésitations, malgré toutes les volontés qui essaieraient de me retenir. »
Le Roman d’un enfant, 1915
Loti et la Turquie
Si Loti a arpenté toutes les mers, c’est toujours vers la Turquie que son cœur revient. Il y effectue plusieurs séjours, en 1880, 1900, et de 1903 à 1905, puis encore après sa retraite, en 1910 et en 1913. Il envisage même de devenir officier de la flotte impériale turque, allant à contre-courant de l’opinion publique française, pour qui l’Empire Ottoman était un ennemi. Loti luttera jusqu’au bout contre le démantèlement de l’Empire Ottoman voulu par les puissances Occidentales, et publiera en 1913 La Turquie agonisante. Son amour pour cette contrée est telle qu’il en fait sa seconde patrie. Il se met à arborer une épaisse moustache, et la langue turque devient sienne au bout de quelques mois. Le romancier fréquente les cafés d’Istanbul (alors encore nommée Constantinople), les rives du Bosphore, chantant l’art de vivre à la turque et s’émerveillant de la majesté de la capitale Ottomane. Il y rencontrera la femme d’un harem qu’il immortalisera sous le nom d’Aziyadé, titre de l’un de ses romans, publié en 1879.
De retour en France (à Rochefort), Loti, nostalgique, fait construire une mosquée et un salon turc au sein de sa propriété !
Quelques œuvres à redécouvrir
Loti meurt en 1923 à Hendaye. Il laisse derrière lui une vaste collection d’objets issus de ses voyages, ainsi que de nombreux dessins et photographies de ses escales. Mais surtout, d’innombrables romans, dont chacun, ou presque, correspond à un pays qu’il a visité, à une culture dont il s’est imprégné.
Le roman d’un Spahi, 1881
Jean est spahi ( soldat d’unité cavalière en Afrique) à Saint-Louis du Sénégal. Le jeune homme est nostalgique de ses parents et de sa fiancée, restés en France, jusqu’au jour où il rencontre Fatou….
Pêcheurs d’Islande, 1886
Les pêcheurs du Port de Paimpol portent un drôle de surnom : on les appelle les Islandais, du fait de leur activité de pêche à la morue près des côtes Islandaises, pratiquée sur une mer du Nord déchaînée et dangereuse. Beaucoup n’en reviennent pas. Si les femmes des marins sont préparées à cette éventualité, cela n’empêche pas la jeune Gaud, revenue vivre en Bretagne, de tomber amoureuse de l’un d’entre eux, Yann. Mais ce dernier a déjà juré fidélité à la mer…
Aziyadé-Fantômes d’Orient, 1892
Alors qu’il se promène le long du port de la fascinante Constantinople, un jeune officier de la marine britannique fait la rencontre d’une jeune Circassienne appartenant au Harem d’un riche turc. Leur amour, voué à l’échec, n’en reste pas moins aussi beau et saisissant que les descriptions de la Capitale Ottomane, ville chérie de Loti.
Camille Allard