L’écriture est une activité populaire. En effet, d’après une étude de l’Ifop en 2013, 17% des Français sont déjà auteurs d’un manuscrit, ce qui représente plus de 11 millions de personnes ! Sans parler de ceux qui rêvent encore de se lancer dans l’aventure. Mais en pratique, écrire un roman s’avère souvent plus ardu que prévu… Par où commencer : histoire, personnages, thèmes traités ? Est-ce qu’il vaut mieux faire un plan ou privilégier le fil de la plume ? Une foule de questions auxquelles Lecthot répondra dans ce guide, pour vous aider à créer votre roman de A à Z !
I) Aux origines de l’œuvre
C’est décidé, vous allez écrire un roman. Votre motivation est tellement intense et sincère que la Muse du roman est apparue devant vous pour vous faire un check (vous ne la connaissez pas ? Elle vit au sommet de la Tour Eiffel et ses attributs sont un Bescherelle et un chat –pourquoi croyez-vous que les écrivains aiment les chats ?), et votre plume n’attend que de chauffer le papier. C’est une métaphore : en vrai, ce sont surtout vos doigts qui vont chauffer le clavier. Un seul souci à l’horizon, et pas des moindres : vous n’êtes pas sûr de ce que vous comptez écrire, ni comment vous comptez l’écrire… Rassurez-vous, cela est bien normal. Voici comment débuter votre œuvre, en apprenant à connaître les mécanismes qui régissent votre créativité.
-
Gardez à l’esprit qu’écrire est un art
On a beau charcuter cette discipline à coup de langage sms et d’argot toujours plus biscornus, elle n’en reste pas moins un art. Pardon : un Âââârt. Comme d’autres disciplines artistiques, telles que la peinture ou la musique, l’écriture dépend d’un phénomène passionnant et fort utile : le processus créatif.
Le processus créatif, c’est ce qu’il se passe dans votre cerveau lorsque vous essayez de concevoir quelque chose de nouveau (comme une intrigue romanesque). Ce dernier va d’abord réunir vos pensées pour les analyser et les faire interagir entre elles : c’est la phase d’incubation. Elle se produit en grande partie dans votre inconscient. Autrement dit, votre cerveau opère tout ça dans son coin, sans vous demander votre avis, pendant que vous cuisinez tranquillement vos œufs au plat. Un jour, alors que vous serez sous la douche sans rien pour écrire à proximité, une idée inédite (et géniale) va émerger de ce joyeux bazar : c’est la phase d’illumination, alias le fameux instant « Eurêka » ! S’ensuivra la phase de vérification, qui consiste à passer en revue le fruit de votre matière grise pour le corriger et le compléter.
Cependant, ne vous imaginez pas que votre caboche va faire tout le travail pour vous ! Car comme tous les âââârts, la maîtrise de l’écriture requiert de la patience, de la détermination et surtout, beaucoup d’exercice. Même si vous disposez de facilités dans ce domaine, votre potentiel ne pourra jamais se développer s’il reste coincé au fond de votre tête.
-
Restez à l’affût (de vous-même !)
Pour faire marcher le processus créatif, il convient de l’alimenter avec de l’inspiration. L’inspiration est une bête farouche, imprévisible et presque aussi perfide qu’une belle-mère de contes. D’ailleurs elle se fiche que vous soyez prêts ou pas pour l’accueillir : elle arrive quand elle le décide, point. Parfois elle débarque aux moments les plus incongrus possibles, parfois on l’attend le carnet de notes à la main tandis qu’elle a décidé de faire la grève (jusqu’à ce que vous laissiez tomber votre carnet de notes). Le souci c’est que pour écrire un roman, vous aurez impérativement besoin d’elle : à défaut de pouvoir la dompter, vous pouvez au moins apprendre à coopérer !
Avant tout, ayez toujours près de vous de quoi écrire. Notez tous les événements extérieurs qui attisent votre curiosité et sont susceptibles de stimuler votre fantaisie : un article de journal, une conversation intéressante parvenant à vos oreilles… Mais ne vous arrêtez pas là ! Notez aussi les flashes qui traversent votre esprit au cours de la journée. Et ce, même s’il s’agit d’inscrire une suite décousue de mots étranges dans un recoin de votre téléphone. (« Trottinette magique, saladier, dauphin espion, meringue, empereur narcoleptique… Hm, je crois qu’on tient un futur best-seller… ») Vous pourrez retranscrire tout cela plus tard sur votre ordinateur et en profiter pour clarifier et réorganiser vos idées.
Et si votre générateur d’idées hasardeuses mais cool est à sec, laissez donc parler votre âme d’enfant ! Les enfants posent beaucoup de questions, et ils ont raison : le questionnement est une des bases de l’inspiration (ainsi que de la philosophie, on vous aura prévenu). Où se rend cet homme qui marche devant vous dans la rue ? Pourquoi ? Va-t-il rencontrer quelqu’un et si oui, qui ? Et qu’est-ce qu’il ressent : impatience, appréhension ? Pourrait-il mener une double vie ? Que dirait son chien s’il pouvait parler ? Est-ce qu’il est dans le coup lui aussi ? Est-ce c’est un vrai chien, ou un ancien associé frappé par une malédiction parce qu’il en savait trop ? Posez-vous ce genre de questions et laissez les suggestions s’enchaîner pour booster votre imagination. Inventez des vies aux inconnus, des explications aux faits auxquels vous êtes confrontés… votre inspiration reprendra du poil de la bête et vous redeviendrez vite productif.
-
Puisez dans vos rêves
Littéralement. Les rêves vous connectent directement à votre inspiration et recèlent de merveilles, pour peu qu’on y prête attention. Prévoyez de quoi noter à proximité du lit et sauvegardez ce dont vous vous rappelez le plus vite possible après votre réveil. Si vous ne notez rien, vous oublierez. Tout le monde pense que non, (cette fois-ci) il n’oubliera pas… mais en fait si, après quoi on regrette son audace et on se sent penaud. Et il n’y a pas de quoi avoir honte : le cerveau est programmé pour « effacer » l’immense majorité des souvenirs de rêves. En quelques minutes, tout s’évapore. Avouez que ce serait embêtant si vous passiez la journée dans le même état que juste après un cauchemar !
Et si l’univers de votre roman, ou mieux, votre univers à vous, pouvait s’enrichir grâce à ces visions nocturnes ? A vos oreillers !
-
Ecoutez vos émotions
Le conseil peut paraître niais, mais il n’en est pas moins sérieux. Pourquoi écrivez-vous ? Est-ce pour parler de votre passion ? Pour exprimer vos convictions ou vos sentiments à travers des personnages et des situations ? Pour réparer une blessure ? Pour trouver des réponses ? Pour trouver votre propre style et améliorer vos compétences ? Sur un coup de tête, parce que c’est défoulant ? Un peu tout cela à la fois ? Il est important de vous interroger là-dessus avant d’entamer un projet aussi chronophage que l’écriture d’un roman. Car d’ici quelques semaines à quelques mois, il est possible (et même très probable) que vous subissiez des instants de découragement.
C’est dans ces moments difficiles qu’il faudra vous reconnecter à votre pulsion initiale, afin de vous remémorer pourquoi vous en êtes là aujourd’hui. Cette attitude vous remettra face à ce qui est important pour vous, ce que vous aimez, ce que vous voulez à tout prix défendre, diffuser, explorer, apprivoiser, combattre… Elle vous rappellera également que vous disposez de la volonté et des ressources nécessaires pour dépasser l’obstacle. Ainsi, si votre aspiration originelle est suffisamment puissante, vous sentirez que malgré les épreuves, dans le fond, vous avez toujours envie de continuer. Il vous faut donc trouver un point d’encrage, une source de motivation dont vous serez certain qu’elle ne se tarira pas durant la création de votre œuvre.
Ce concept se nomme « entéléchie » : l’entéléchie est la force intérieure qui vous pousse à réaliser et à vous réaliser. Être doté d’entéléchie est un atout sans précédent dans tout projet, c’est pourquoi le conseil est valable pour n’importe quel engagement de votre vie.
Avec le combo entéléchie + maîtrise du processus créatif, vous serez en mesure de constituer un bon terreau pour votre roman et de survivre à ce qui va suivre. Tout cela implique déjà pas mal d’éléments, n’est-ce pas ? On vous avait bien dit qu’écrire était un art… Mais vous voici maintenant fin prêt à relever tous les défis !
II) Le cœur du roman
Vous savez désormais de quoi vous souhaitez parler dans votre roman et avez décidé de son contexte. Toutefois, il vous reste du pain sur la planche : il vous faut désormais échafauder une intrigue bien ficelée, ainsi que des personnages dignes de ce nom. De même que de bonnes fondations sont essentielles pour construire une maison qui ne s’écroule pas quand un loup souffle dessus, il faut une base solide à un livre pour qu’il tienne la route !
-
Peaufinez l’histoire
Dans un roman, on nomme l’histoire « intrigue », les termes « scénario » et « action » étant respectivement réservés au cinéma et au théâtre.
Aux prémices de la conception de votre intrigue, posez-vous cette question simple : si vous étiez le lecteur, quel genre d’histoire auriez-vous envie de lire ? Qu’est-ce que vous voudriez absolument voir et ne surtout pas voir ? Si vous êtes indécis quant à vos propres goûts, vous pouvez toujours opter pour le hasard ou l’exercice imposé. Par exemple, écrivez sur une feuille tous les mots qui vous passent par la tête, puis fermez les yeux et lâchez-y un petit objet à un endroit aléatoire. Le mot désigné devra être un point central du texte. Bien sûr, il est possible de répéter l’action pour prendre plusieurs mots, ou d’inviter d’autres personnes à compléter votre liste. Jouez au cadavre exquis, tant que vous y êtes ! Les rendus loufoques ne constitueront sans doute pas le corps de votre histoire, mais ils peuvent au moins vous sortir d’une panne d’inspiration et suggérer des éléments secondaires à ajouter.
Ensuite, il va falloir construire votre histoire, c’est-à-dire en établir le plan. Parlons pour cela de la structure de l’intrigue… Au cas où vous dormiez pendant vos cours de Français du collège ou que votre mémoire s’est taillée la route depuis belle lurette, voici le plan classique d’un roman, qu’on nomme schéma narratif :
– Situation initiale : présentation du cadre de l’histoire et du héros. On établit la situation spatiale et temporelle.
Ex : Voici Jean-Jean, insouciant petit berger dans une campagne paumée au XXIe siècle. Sa vie est belle et il ne lui arrive jamais grand-chose de palpitant.
– Elément perturbateur : il se produit quelque chose de spécial, qui oblige le héros à interrompre son quotidien inintéressant et justifier le fait qu’on écrive un livre sur lui.
Ex : Un jour, un mouton se met à parler à Jean-Jean. Le jeune garçon est stupéfait, car normalement un mouton ça ne parle pas. Mais comme c’est un personnage de roman, il boit les paroles de son ami laineux. Le mouton annonce à Jean-Jean qu’il doit retrouver le Bâton de Berger Magique, pour sauver le peuple ovin des lames de l’impitoyable Grande Méchante Tondeuse.
– Péripéties (également appelée « nœud »): successions d’événements au cours desquels le héros va prouver qu’il a une bonne raison d’être le héros, c’est-à-dire qu’il est intelligent, gentil, qu’il survit aux bagarres, qu’il est bien l’élu de la Prophétie, etc.
– Le point culminant (ou climax) : contenu dans la dernière péripétie, il marque le moment où se produit l’action décisive de l’intrigue. C’est ici que la tension est à son comble et que le lecteur retient son souffle.
– Le dénouement (ou élément de résolution) : le problème pour lequel le héros avait une raison de se bouger se résout, closant ainsi l’intrigue.
– La situation finale : on présente la situation maintenant que l’histoire a eu lieu. Généralement, elle ressemble à la situation initiale, sauf que le héros est désormais officiellement un boss et a sans doute trouvé une copine. Parfois il meurt, aussi.
Ex : Jean-Jean retourne à sa vie de berger. Sa vie est un peu moins ennuyeuse depuis qu’il peut parler aux moutons. Très satisfait de ses exploits, il contemple le soleil couchant en savourant une tartine de roquefort.
Du point de vue de la construction, la plupart des histoires suivent ce schéma basique. De là, on peut dégager les types d’intrigues suivants :
- Exploration : l’histoire commence quand le personnage quitte un lieu familier pour explorer un lieu inconnu. Elle se termine quand il parvient à rentrer chez lui ou atteindre un lieu visé.
- Question/réponse : l’histoire commence en posant une question, qui peut être une énigme ou un questionnement existentiel. Elle se termine quand on parvient à y répondre (ou pas).
- Ascension : l’histoire commence quand le personnage présente un problème lié à son statut social ou sa personnalité : il est le bouc-émissaire du village, il vit un amour impossible, il souffre de sa timidité, etc. Il décide alors de se changer lui-même ou de changer la perception que les autres ont de lui. L’histoire se clôt quand il trouvé une solution (ou pas).
- Evénement : l’histoire commence quand l’ordre naturel ou sociétal est bouleversé (à cause d’une apocalypse zombie ou du rachat du monde par une société de vilains capitalistes, par exemple). Elle se termine quand l’ordre originel a été rétabli, qu’on a accepté le nouvel ordre ou qu’on l’a modifié de sorte à le rendre acceptable.
Entre le début et la fin de chaque type d’intrigue s’insèrent les péripéties, et il est possible de combiner plusieurs modèles. Un personnage peut tout à fait explorer un lieu inconnu à la fois pour qu’on cesse de le traiter de trouillard et pour trouver des indices sur la disparition de son chien.
Néanmoins, s’il est fortement conseillé de faire un plan (voire plusieurs : un plan global puis un plan détaillé) avant de rédiger, il est déconseillé de graver ce plan dans la pierre. Rien ne vous empêche en effet d’avoir de nouvelles idées exploitables en cours de rédaction et de les intégrer à votre roman. Mais il est important de veillez à ne pas y laisser d’incohérences ! Prenez garde aux éléments qui disparaissent au cours du roman, aux anachronismes… Ne commencez pas une sous-intrigue pour l’oublier en cours de route, n’introduisez pas un thème à la va-vite pour peu ou mal l’exploiter, et renseignez-vous sur les détails historiques nécessaires.
Pour éviter ce genre d’erreurs (car il y aura au moins cinglé qui s’amusera à tout calculer pour vérifier) établissez un calendrier ou une frise chronologique où vous placerez des points de repères. Cette technique est encore plus indispensable si votre roman se déroule sur plusieurs années : que dira-t-on si en six ans votre personnage n’a grandi que de cinq ans, ou qu’il avait au départ quatre ans d’écart avec sa sœur mais n’en a finalement plus que deux ?
Cependant, il n’est pas interdit de conserver des zones d’ombres dans vos sous-intrigues ou de livrer une fin à suspens. L’ambiguïté alimente la curiosité du lecteur et élargit l’univers du livre, en ouvrant le champ des possibles. En plus, vos fans pourront livrer des guerres de théories sur les forums et écrire des tas de fanfictions pour caser vos personnages restés célibataires.
Parlons de personnages, justement ! Plus qu’un pantin que vous ferez bouger à votre guise : votre personnage sera un véritable petit être de papier, dont vous devez vous occuper convenablement.
Pour trouver la base d’un personnage, il est possible, si aucune idée ne vous vient, de vous inspirer d’une personne réelle ou d’un archétype (aventurière intrépide, petit génie, collégien rebelle, riche avare ou philanthrope, etc.). Il s’agira ensuite d’ajouter à cette base des traits propres à votre création, de sorte qu’elle ne soit pas un flagrant copié/collé ou un ramassis de clichés qui lassera vite le lecteur. C’est là qu’interviennent les fiches de personnages. A toujours garder près de vous lors de la rédaction, elles récapitulent les caractéristiques de vos bébés. Pour construire ces fiches, vous pouvez utiliser des listes, telles que :
Nom :
Prénom :
Sexe :
Taille :
Poids/corpulence :
Yeux :
Cheveux :
Nationalité :
Lieu de naissance :
Relations (famille, amis…) :
Spécialités, centres d’intérêts :
Opinions politiques/religieuses :
Qualités :
Défauts :
Elles peuvent être générales ou classées par grands thèmes (caractéristiques physiques, psychologiques, sociales…), selon le degré de développement du personnage. Ajoutez tous les détails que vous souhaitez, même s’ils ne sont jamais révélés dans l’histoire, car le fait de les avoir en tête influencera votre manière d’écrire.
Au niveau de l’apparence, certains auteurs se contentent du strict minimum descriptif, afin de laisser au lecteur la liberté d’imaginer ce qu’il veut, tandis que d’autre peignent minutieusement leurs portraits. Le choix vous appartient. Evitez simplement les descriptions trop chargées et éparpillées. Si vous décrivez en détail un personnage qui possède quinze couches de vêtements et une mèche de cheveux de chaque couleur, avec des yeux vairons et une bague à chaque doigt, le lecteur peinera à se l’imaginer. C’est comme s’il se retrouvait devant un tableau comportant tellement d’éléments et de teintes qu’il ne pouvait tout visualiser à la fois. Dans un cas comme celui-là, préférez une description globale (« Il portait à chaque doigt une bague ornée d’une pierre précieuse différente») à une description ultra-précise (« Il portait une bague en or avec un saphir au pouce, une bague en argent avec un rubis à l’index, une bague en plaqué or-argent un peu noircie avec une pierre de lune au troisième doigt de pied… »). Pour vous rendre compte de la pertinence d’une description, essayez vous-même de vous représenter mentalement vos personnages. Si vous n’y arrivez pas, celui que vous lira n’y arrivera pas non plus.
Dans le cas où vous voulez mettre en avant une psychologie complexe, avec des pensées qui donnent la migraine ou des émotions intenses, il va falloir bûcher un peu ! Outre lire des œuvres mettant en scène ce genre de figure (comme les romantiques du XIXe siècle ou les héros de tragédies), n’hésitez pas à effectuer des recherches dans les domaines de la psychologie, de la psychiatrie ou du développement personnel. Sans affubler vos personnages de dix pathologies mentales, il est utile de prendre en compte les séquelles qu’ils peuvent garder de leur passé : une peur handicapante, un comportement atypique, un souvenir ou un rêve qui les hante… Un personnage doté d’un background bien rempli aura bien plus de volume et de profondeur, qu’un personnage qui semble n’avoir eu aucune existence avant le début du roman. Mais contrairement à ce que nous enseignent les Disney, vous n’êtes pas obligé de tuer les parents du héros pour qu’il soit intéressant. N’importe quel accident suffit pour le traumatiser et le forcer à se battre pour dépasser sa condition. Il existe aussi de nombreux outils d’évaluation psychologique, qui peuvent vous aider à créer vos personnages et mieux comprendre comment ils réagiraient dans telle situation. Vous pouvez jeter un œil, entre autres, à l’ennéagramme, au Myers Briggs Type Indicator ou même au système d’alignement dans Donjon et Dragon !
Même si vous n’êtes pas du genre à explorer la psychologie de vos charmants lurons, il faudra tout de même que ceux-ci aient des réactions cohérentes. Si un personnage froid, asocial et terre-à-terre dans les premières pages est devenu au milieu du roman un doux rêveur qui aime sauter et danser partout, c’est qu’il y a de toute évidence un problème dans votre traitement (ou qu’il s’est pris un menhir sur la tête, il paraît que ça arrive souvent aux personnages fictifs). Alors ne négligez pas vos fiches, aussi condensées soient-elles !
Et pour finir, surtout, par pitié… Bannissez à tout prix les personnages Marie-Sue. Marie-Sue est le stéréotype du personnage parfait. Marie-Sue sait tout, sait tout faire, est belle et gentille et tout le monde l’aime. Sauf que pour le lecteur, il n’y a rien de plus lassant et énervant que les aventures de Marie-Sue. Un personnage n’a aucun intérêt s’il a déjà tout pour lui dès le départ, puisque le but du roman est de lui faire traverser des événements qui le feront évoluer. C’est comme si débutiez le premier niveau d’un jeu-vidéo avec un personnage déjà superpuissant : ce sera peut-être plus facile, mais rapidement, cette facilité vous ennuiera… Un peu de challenge, bon sang ! En outre, c’est davantage pour ses faiblesses et ses imperfections que le lecteur s’attache à un personnage, car il peut s’identifier à elles.
-
Déterminez le point de vue
Lorsque vous rédigerez, vous devrez choisir un point de vue. Il faut tout d’abord déterminer à quelle personne vous parlerez. On emploie en général la première ou la troisième personne et plus rarement la seconde personne. Il peut être difficile d’effectuer ce choix d’emblée. Ainsi, il arrive que l’auteur se rende compte au bout de quelques chapitres qu’il a fait le mauvais choix : rien ne vous empêche alors de revenir en arrière. Mieux vaut réécrire des passages que rédiger un roman entier du mauvais point de vue. Il vous faudra ensuite déterminer le statut du narrateur :
- Interne : c’est un personnage du roman et il ne connait que ses propres pensées : il s’exprime systématiquement à la première personne.
- Externe et subjectif : il est extérieur à l’histoire mais agrémente son récit de commentaires personnels.
- Externe et objectif : il est extérieur à l’histoire et n’inclut aucun commentaire personnel.
- Omniscient : il ressemble au narrateur externe objectif, sauf que de surcroit, il voit tout et il sait tout de l’histoire et des personnages.
A vous de choisir ce statut en fonction de votre intrigue et votre style. Les deux premières formes sont pratiques pour décrire la psychologie des personnages, tandis que les deux dernières, plus impersonnelles, sont utiles pour les descriptions historiques ou scientifiques. Il est possible de changer de point de vue en fonction des passages de votre roman, tant que cela reste cohérent : un narrateur externe et subjectif la plupart du temps peut faire la description objective d’un immeuble. Cependant si vous passez subitement de « il » à « je » sans aucune raison, votre lecteur risque d’être très dubitatif… (Et il aura raison, pourquoi vous faites des choses comme ça ?)
Concernant la forme du récit, vous pouvez l’adapter en fonction de vos goûts. Si vous aimez faire des ellipses ou que gérer l’écoulement du temps vous pose problème, rien ne vous empêche de découper votre récit par tranches brèves, en faisant tenir un journal à votre personnage ou en optant pour le genre épistolaire. Si vous hésitez sur le type de narration, vous pouvez écrire un roman choral, où le narrateur change régulièrement. Et enfin, il vous est possible de combiner plusieurs méthodes !
III) La phase rédactionnelle
L’histoire de votre livre est bâtie et vos personnages attendent sagement que vous saisissiez leurs ficelles pour les faire valser. Il est enfin temps de s’y mettre ! Une épopée de plusieurs mois, plusieurs années peut-être, vous tend les bras… durant ce temps, vous devrez vous appliquer à la tâche. Pour produire un roman de qualité et vous distinguer chez l’éditeur, il va falloir gratter le clavier comme un pro !
-
Trouvez le rythme qui vous convient
Il n’existe pas de technique idéale : chaque personne est différente et doit trouver celle qui lui convient le mieux. Certains se fixent un nombre de mot à rédiger chaque jour et ne quittent par leur poste tant qu’ils n’ont pas rempli cet engagement. D’autres préfèrent organiser des séances d’écriture d’une durée précise, peu importe la quantité produite. Mais la régularité ne convient pas non plus à tout le monde : certains se content de suivre leur instinct et n’écrivent que dans leurs pics d’inspirations. Si vous êtes de ceux-là, soyez juste certains que vos instants divins soient assez fréquents pour vous reposer dessus, et qu’une pratique inconstante n’aura pas d’impact sur votre motivation. Victor Hugo donnait ses vêtements à une servante et ne lui demandait de revenir qu’après un certain temps. D’ici là, nu dans une pièce ne contenant qu’une machine à écrire, il n’avait d’autre choix que de produire du texte… Espérons que vous n’aurez pas besoin de recourir à des méthodes aussi extrêmes !
-
Respectez la langue française
Bien que ce point soit évident, il est toujours bon de le rappeler : attention aux fautes ! Un manuscrit qui en est truffé est un manuscrit mort. En tant que pauvres mortels, il est normal et légitime de commettre de temps à autre des erreurs de frappe (appelées « coquilles » dans le jargon) par inattention, mais si ces dernières deviennent récurrentes, votre manuscrit ne sera jamais lu par un éditeur. (Et les membres de l’Académie Française viendront chez vous pour vous punir.) Certains négligent l’orthographe car il ne leur semble pas si important que cela, tant que l’ensemble reste compréhensible. A ceux-là, je réponds qu’écrire un roman, c’est quelque part honorer une langue et permettre aux futurs lecteurs de l’apprécier. Ce qui ne peut en aucun cas se faire avec un texte évoquant une dictée de cancre.
Il est facile d’éliminer le gros des fautes, en achetant un bon logiciel de correction. Trop cher ? La plupart des logiciels de traitement de texte (y compris gratuits) possèdent des correcteurs automatiques. Il en existe même en ligne ! Vous n’avez donc aucune excuse… Si vous avez la paresse d’exécuter un clic droit sur les mots généreusement soulignés par le correcteur, la personne qui vous lira considérera que vous vous moquez d’elle. Toutefois, ne devenez pas dépendant de la technologie au détriment de vos compétences. Dites-vous que pour être un bon écrivain, vous devez solliciter le moins possible votre correcteur, aussi performant soit-il !
De plus, n’oublions pas que ces correcteurs présentent des limites et que, pour les plus rudimentaires, il suffit d’une tournure de phrase un peu alambiquée pour les déboussoler. Pire, ils peuvent par confusion vous signaler des fautes grammaticales qui n’existent pas ! Il faudra par conséquent demeurer très attentif et maîtriser rigoureusement la langue de Molière. Pour améliorer votre niveau, rien de tel que lire, lire et relire… Car on ne lit jamais trop. Le seul effet secondaire notable est qu’à force d’exercice, votre œil relèvera d’instinct les coquilles dans les colonnes du journal et les menus du resto japonais.
-
Montrez votre plume
Le style est primordial pour faire un bon roman. Et pas seulement le style : votre style personnel « à vous » !
Le style est composé de nombreux éléments : le rythme des mots, le vocabulaire (richesse, niveau…), les figures de style, etc. A force d’exercices personnels, il se dégage des textes d’un auteur certaines préférences, comme une tendance à utiliser certains champs lexicaux ou des métaphores. Il n’y a pas vraiment de règle concernant le style : il relève du domaine créatif (bah oui, l’écriture est un ââârt) et l’écrivain doit pouvoir sentir instinctivement que ça y est, il est « dans » son style. Si vous n’êtes pas encore sûr d’avoir trouvé le vôtre, inspirez-vous de styles préexistants (lyrique, épique, comique, tragique, burlesque, baroque…) ou de mouvements littéraires et artistiques (classicisme, romantisme, réalisme, naturalisme, surréalisme…). Déterminez desquels votre façon d’écrire se rapproche le plus afin d’avoir un point de départ.
Certains écrivains sont de vrais caméléons, alternant entre plusieurs styles selon l’œuvre, voire selon le chapitre : si vous en maîtrisez plusieurs, prenez vos libertés ! Néanmoins votre style devra lui-aussi comporter stabilité et cohérence : si votre roman passe du lyrique à l’exposé scientifique en quelques pages, ce sera un chouïa perturbant pour le lecteur (hormis si ceci est justifié par un changement de narrateur et/ou de chapitre). C’est pourquoi il doit être naturel et provenir de vos efforts de création. Inutile d’écrire avec un dictionnaire dans une main et l’intégrale de Balzac dans l’autre, pour y puiser la moitié de votre prose : déjà parce que ce sera lourd (ce genre de technique conduit souvent à un style mal dosé et artificiel), mais surtout, parce que vous vous fatiguerez inutilement. L’effet du « verni » s’estompera et votre texte finira par ressembler à un enfant bâtard dont personne ne veut, et surtout pas l’éditeur.
-
N’avez pas peur de la page blanche
Les pannes d’inspiration arrivent à tout le monde et rien ne sert d’en faire un fromage. De toute manière, le syndrome de la page blanche vous frappera forcément à un moment où à un autre, alors autant l’accepter tout de suite ! Appliquez toutes les techniques expliquées précédemment, et si malgré tout les mots vous manquent toujours… arrêtez tout et aller vous changer les idées ! Votre cerveau sature et a besoin de décompresser avant de reprendre le travail. Reposez-vous donc ou livrez-vous à d’autres activités. L’inspiration reviendra à vous plus tard, comme une fleur. Sûrement pendant votre stage de parapente, mais elle reviendra quand même.
-
Rendez votre texte agréable
L’intérieur d’un livre, c’est comme l’intérieur de chez soi : il ne faut pas oublier d’aérer ! L’œil du lecteur se fatigue vite s’il doit sans cesse distinguer la ligne lue au sein d’un énorme pavé. C’est encore plus vrai s’il lit sur un écran, dont la luminosité attaque la rétine. Pensez à lui et allez régulièrement à la ligne, afin de constituer des paragraphes et d’apporter plus de dynamisme au texte. Respectez aussi les codes de la typographie. Ceci passe par un placement correct des espaces, ainsi qu’une bonne utilisation de la ponctuation et des majuscules.
Si vous comptez envoyer votre manuscrit à un éditeur, votre texte doit être numéroté au bas des pages et comporter des interlignes d’au moins 1,5. En cas d’envoi du manuscrit par voie postale, n’imprimez le contenu qu’au recto. Ces mesures permettront à l’éditeur de disposer de toute la place voulue pour ses annotations : il vous en remerciera. Et nous consacrerons une minute de silence à votre imprimante, c’est promis.
IV) Bilan
Pour résumer ce dossier, voici les principaux points à retenir pour écrire un bon roman :
- Se poser des questions, sur soi-même et son environnement
- S’écouter, développer son monde intérieur
- Partir sur une base solide et réfléchie
- S’organiser tout en restant flexible
- Se mettre à la place du lecteur, pour le fond et la présentation
- « Vivre » son roman : continuer de stimuler la créativité même quand on n’est pas devant son clavier
- Respectez les codes de rédaction basiques tout en ajoutant sa touche personnelle
- S’informer et anticiper : lire, faire des recherches…
Pour plus de renseignements concernant le devenir de votre œuvre, consultez notre article dédié à la survie des manuscrits sur le bureau des éditeurs.
Camille Launay