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Entretien avec Julien Leclercq

Une bande d’amis, les fêtes de Bayonne, une soirée qui dégénère. Michel, jeune chômeur, monte sur la scène d’un concert pour annoncer sa candidature à la présidentielle, en titubant devant la foule. Facebook, Youtube, Twitter, la vidéo fait le tour de la France, à l’insu même de Michel, qui à son réveil a tout oublié.
L’homme qui ne voulait pas devenir président (Intervalles) illustre bien selon Julien Leclercq, la capacité de la réalité à dépasser la fiction. Entretien.

Lecthot : L’histoire d’un président élu contre son gré. Comment cette intrigue vous est-elle venue ?

Julien Leclercq : L’idée a émergé il y a un an et demi. Très impliqué dans divers mouvements citoyens après avoir écrit deux essais pour casser les clichés qui entourent la fonction de patron, Chronique d’un salaud de patron et Journal d’un salaud de patron (Fayard), j’avais la conviction que nous allions vivre une élection présidentielle hors du commun. Et qu’il y avait la place pour un candidat différent, issu d’aucun parti traditionnel. J’avais très envie de traiter ce sujet, de manière légère et décalée, et non à travers un essai.

 

L : Réseaux sociaux, tourmente médiatique, présidentielle. Votre ambition première était-elle d’écrire sur des thèmes d’actualité ?

J. L. : Si j’ai publié deux essais remarqués par les médias ces deux dernières années, depuis mon plus jeune âge, j’ai une envie profonde d’écrire de la fiction. A dix ans, j’ai passé un coup de téléphone chez Hachette Jeunesse pour leur proposer de m’embaucher, afin d’écrire une suite aux Six Compagnons de Paul-Jacques Bonzon. J’imagine que ça les a fait bien rire… Proposer un roman d’actualité me semblait être une transition idéale entre les deux univers. Et puis, vous savez, quand vous avez un sujet en tête, le désir intense de creuser un sujet, il est très difficile de ne pas le faire !

 

L : Votre roman se positionne-t-il comme une critique, voire une satire, des élections à venir ?

J. L. : Il est surtout un roman d’amitié, et d’amour. Je revendique la légèreté avant tout, et j’ai d’ailleurs pris soin de ne pas entrer dans la description de détails techniques encadrant l’élection ou les programmes. Mais oui, bien sûr, il y a derrière la fiction une critique d’un système. Un système violent dont Michel, mon héros, est notamment étranger, ce qui fait toute sa force. La réalité dépasse presque la fiction. J’étais persuadé que ces élections allaient être uniques… Mais pas à ce point ! Et aujourd’hui, le favori des sondages n’est issu d’aucun des deux grands partis traditionnels et était un inconnu il y a trois ans. Sans prendre parti, évidemment, c’est malgré tout un phénomène sociétal peu commun.

 

L : Vous parlez de sujets concrets, comme de la politique, mais sans jamais égarer le lecteur dans un flux d’informations complexes. Vulgariser le propos était-il pour vous primordial ?

J. L. : Il était important pour moi de respecter deux promesses : émouvoir et faire réfléchir. Il me fallait pour cela rester léger sur ces sujets qui peuvent vite devenir techniques. Privilégier l’émotion et le rire aux descriptions ennuyeuses. Eviter de prendre parti, aussi, et de livrer un pamphlet politisé. L’Homme qui ne voulait pas devenir président est une histoire d’amitié, de trahison, d’amour, une histoire d’engagement citoyen, et en l’occurrence de quête de soi. Michel trouve un sens à sa vie alors qu’il n’en cherchait pas… Puis se perd, se retrouve…

 

L : Toute cette affaire émane du groupe d’amis, qui poussera d’ailleurs Michel à se présenter, via diverses manipulations. Finalement, le candidat à la présidentielle ne serait-il pas le seul homme non politisé de la bande ?  

J. L. : Aucun n’est politisé au sens partisan du terme. Ils voient dans la notoriété soudaine de Michel l’opportunité de faire quelque chose de leur vie. Lui paraît à première vue comme le plus paumé de cette bande de copains… Il est pourtant le plus heureux. A travers lui, j’essaie de montrer qu’une autre manière de faire de la politique est nécessaire et possible. Les Français s’intéressent à la politique, mais sont excédés par les guerres partisanes, les affaires incessantes… C’est d’ailleurs lorsqu’il devient trop proche des candidats classiques que Michel perd tout son intérêt.

 

L : Un mot sur votre héros… Vous souhaitiez qu’il soit représentatif de la société civile. Ne pensez-vous pas avoir grossi le trait, à l’image de Michel, trente ans, au chômage, se retrouvant ivre mort aux fêtes de Bayonne ?

J. L. : J’ai la conviction que les nouveaux outils de communication à notre disposition, à commencer par Youtube et Facebook, rendent crédible le fait que n’importe qui peut se retrouver sur le devant de la scène du jour au lendemain. J’ai trouvé plus intéressant encore de choisir un chômeur comme héros. Des Michel, il y en a plein. J’habite principalement dans l’un des départements les plus pauvres de France en terme de revenu par habitants, j’en rencontre toutes les semaines. Michel n’est pas un looser, ou alors un looser heureux. Il occupe ses journées entre console, bières avec les copains, diners avec sa mère, et bosse de temps en temps pour regagner ses droits au chômage. Il n’est pas méchant, plutôt rigolo, c’est le bon copain par excellence. Michel n’a pas raté sa vie, il n’a simplement jamais cultivé d’ambition particulière autre que profiter. Je ne crois pas qu’il soit caricatural, même si j’aurais pu choisir quelqu’un d’autre. Des Michel, il y en a partout.

 

L : Quels sentiments aimeriez-vous susciter chez le lecteur ?

J. L. : Ceux que j’aime ressentir lorsque je lis. Du rire, de la compassion, de la tristesse, de l’agacement contre certains personnages que l’on déteste, de l’attachement envers ceux que l’on aime, du suspense, du rire (encore), mais de la réflexion. « Et si c’était vrai » oserais-je dire, au risque de paraphraser un titre de Marc Levy. La réalité est-elle très éloignée de la fiction, finalement ? L’envie de connaître la suite serait une belle fin.

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