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Entretien avec Eric Metzger

Eric Metzger, trublion à la plume acérée, signe Adolphe a disparu aux éditions Gallimard. L’histoire d’un jeune homme, qui, à la suite d’un chagrin d’amour, part à la recherche d’un chat, en plein cœur du bois de Boulogne… Le jeune écrivain arbore un talent particulier, à suivre de près. Entretien.

Lecthot : Pourquoi avoir écrit ce roman ?

Eric Metzger : Tout est parti d’une rupture. C’est une sorte de puzzle. Les histoires du bois et du chat se sont greffées au thème du chagrin d’amour. Car il fallait un fil conducteur à cette rupture, pouvant aussi être une manière de la diluer. Il y a eu un peu d’inspiration personnelle, je dois l’avouer… Si le narrateur est un personnage fictif, il m’est arrivé, comme lui, de me retrouver au cœur d’une rupture amoureuse, à déambuler dans le bois de Boulogne. Mais je n’ai pas passé mes journées à la recherche d’un chat, je vous rassure !

 

L : Votre roman s’articule autour de cette longue promenade dans le bois de Boulogne, à la recherche d’un chat, Adolphe. Quel est le sens de cette balade ?  

E.M. : Ce n’est pas Les Rêveries du promeneur solitaire... C’est plutôt une errance thérapeutique…

 

L : La perte d’un amour n’est-il pas aussi la redécouverte d’un autre, en l’occurrence celui de sa mère ?

E.M. : Je n’en suis pas certain. Vous savez, on pourrait aussi croire qu’à travers ce roman, il est question de psychanalyse, d’Œdipe, etc. Je pense que c’est simplement une occasion hasardeuse, permettant au narrateur de retrouver sa mère, fin de l’histoire. Il ne faut pas oublier que du jour au lendemain, il se retrouve seul au monde. Il n’a pas de branche à laquelle s’accrocher. Le coup de fil de sa mère (lui demandant de chercher son chat) tombe, Il s’y rattache. Cela aurait tout aussi bien pu être un ami de longue date, qui lui aurait proposé de venir à Bordeaux, l’aider à déménager, ou que sais-je. Il y serait allé, sans une once d’hésitation. Son but est de se raccrocher à quelqu’un, pour ne plus être à la dérive. Il ne sait pas gérer la peine qui l’incombe, le rapprochement avec sa mère émane de là.

 

L : Pendant cette promenade, le lecteur est immergé dans le monde de la prostitution. Aviez-vous la volonté de donner un aspect plus humain au plus vieux métier du monde ?

E.M. : C’est n’est pas particulièrement une volonté de ma part. Je me suis contenté de décrire les choses, telles quelles. Les dangers de ce monde, et ses anecdotes. Je ne me risquerai pas à traverser le bois de Boulogne en pleine nuit. Cela peut s’avérer réellement dangereux. Mais la journée, n’importe qui peut se retrouver en plein bois de Boulogne, et être témoin de scènes drôlement cocasses. L’a priori que nous avons sur les prostitués floute notre jugement. Il y a plein de sentiments qui se confondent ; la peur, le dégout, la honte. D’ailleurs, le narrateur l’exprime au début. Mais c’est un métier comme un autre. Je ne dis pas que c’est bien ou mal, il n’y a aucun jugement, juste un constat.

 

 L : Les gens sont habitués à votre facette humoristique. Adolphe a disparu a-t-il pour vocation de faire rire ?

E.M. : Ce roman est assez ironique. Il n’a rien à voir avec mon premier, La Nuit des trente, beaucoup plus sérieux, finalement. Il comporte beaucoup de scènes amusantes qui peuvent provoquer le rire, oui. En revanche, ce n’est pas une volonté de ma part. En ce moment, je travaille sur mon prochain roman qui sera extrêmement noir. Tout est une question de cycle, de période. Je n’ai pas de but précis lors de la composition d’un roman. J’écris, puis je vois ce qui se passe par la suite.

L : Avec ce deuxième roman, vous confirmez votre place au sein du monde littéraire. Avez-vous pour ambition de continuer dans ce domaine ?

E.M. : Bien-sûr. Néanmoins, peut-être que mon prochain ouvrage sera une nullité et que Gallimard le refusera. C’est le jeu. Mais l’écriture est une passion. Le plus dur a été d’écrire le premier roman, qui est perfectible sur bon nombre de points. Lorsque je le relis, je me rends compte de ses imperfections. Je pense que c’est le propre d’un premier roman, il est imparfait. Je suis en cours d’apprentissage, et chaque nouveau roman est une étape supplémentaire. L’écriture fait partie de ma vie. Dans un tout autre registre, j’ai participé à l’écriture et au tournage du film Bad Buzz, qui sortira le 21 juin. On s’éloigne grandement de la littérature, mais c’est tout de même un projet qui gravite autour de l’écriture.

 

L : Quel propos aimeriez-vous transmettre à travers votre écriture ?

E.M. : Je manque cruellement de maturité pour ça. J’estime qu’il faut tout d’abord avoir énormément composé. On ne peut certainement pas parler d’œuvre me concernant. Je n’en suis pas encore là. Il est beaucoup trop tôt, je me cherche encore. Il faut que je fasse des progrès, le propos suivra !    

 

L : Comment acquiert-on une légitimité littéraire ?

E.M. : Je ne suis pas encore sûr de la posséder, cette légitimité. Du moins, ce n’est pas à moi d’en décider. En ce qui concerne l’écriture d’un roman, c’est un chemin pavé d’obstacles. Il a fallu, dans un premier temps, que je chasse les tics qui pouvaient me porter préjudice. Chercher constamment à construire de belles phrase ou de jolies métaphores, ce n’est pas toujours la bonne solution. Un ami m’a même conseillé d’enlever tout ce qui me semblait beau dans l’écriture. C’est une consigne très intéressante. Ne pas regarder ce que nous écrivons, cesser de penser à l’esthétisme, et faire avec ce que nous avons….

Propos recueillis par Tristan Poirel

Le livre  

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