À l’occasion de la clôture de la 43e édition du Festival, le présentateur Richard Gaitet a mis en scène une plaisanterie que le monde de la bande-dessinée a trouvé de très mauvais goût.
Nous vous en parlions dans l’article « Littérature : quelle place pour les femmes ? » : le Grand Prix du Festival d’Angoulême a fait l’objet d’une polémique importante à cause du manque d’auteurs féminins dans sa liste de nominés. En changeant son système de vote et en laissant à chaque participant la liberté d’élire la personne de son choix, les responsables du Festival pensaient réussir à redorer leur blason auprès des auteurs et du public. C’était sans compter Richard Gaitet et sa petite plaisanterie lors de la cérémonie de remise des prix.
Une fausse annonce
Le nom vous dit peut-être quelque chose : Richard Gaitet est l’animateur de l’émission littéraire Nova Book Box sur Radio Nova et l’auteur de Les heures pâles, qu’il a publié en 2013 sous le pseudonyme de Gabriel Robinson. Il a été choisi cette année pour animer la cérémonie de clôture du Festival qui s’est tenue le 30 janvier. Tout se déroule assez rapidement : sur la scène, portant des vêtements rappelant le Fantasio des éditions Dupuis, il annonce les noms des grands gagnants sans trop s’appesantir. Son discours ne dure que 8 minutes. Les auteurs et éditeurs primés éclatent de joie et partagent la grande nouvelle sur les réseaux sociaux. Certains auteurs non présents sur les lieux sont prévenus par téléphone. La joie est d’autant plus intense que la surprise est de taille. Seulement… une fois les fauves attribués aux lauréats, toute la supercherie est dévoilée par le présentateur : ces 8 premières minutes n’étaient qu’une vaste mascarade, simple parenthèse humoristique pour détendre l’atmosphère avant le début de la vraie remise, qui, elle, durera 1h30.
Les nominés humiliés
La réaction des faux nominés ne se fait pas attendre : tous, se sentant humiliés et ridiculisés, condamnent cette plaisanterie qu’ils trouvent de très mauvais goût. Certains éditeurs risquent même de perdre en crédibilité, comme Pol Scorteccia, directeur éditorial des éditions du Lombard, qui a contacté les auteurs Fiona Staples et Brian K. Vaughan après avoir appris leur fausse victoire pour leur bande-dessinée Saga. Les auteurs ont tout de suite relayé l’information, et il a été difficile ensuite de devoir les rappeler pour leur apprendre que tout cela n’était qu’un canular. Sachant que Brian K. Vaughan fait partie de l’équipe de scénaristes de la série à succès Lost et qu’il est auteur-producteur de la sérieUnder the Dome, il semble logique qu’il le prenne très mal. Avec cette affaire, le Festival, qui a déjà été entaché par la première polémique autour des femmes, se voit complètement décrédibilisé à l’internationale.
Si les auteurs et maisons d’éditions touchés attendent des excuses de la part des organisateurs, ces derniers ne semblent pas enclins à les présenter. En effet, Franck Bondoux, directeur général du Festival, n’endosse pas la responsabilité de ce fiasco, car l’idée, selon lui, venait de Richard Gaitet, dans une tradition clownesque à laquelle on n’a rien à reprocher. D’après lui, il était clair que ce discours n’était qu’humoristique et parodique, empreint d’une autodérision à laquelle même les grandes cérémonies comme les Césars et les Golden Globes ont recours. L’animateur, quant à lui, a adressé le 31 janvier une lettre d’excuses au journal Le Monde dans laquelle il se repentait du tort qu’il a causé à « l’ensemble de la profession », mettant en avant un désir candide et puéril de « bousculer l’exercice d’une remise de prix », « sans cruauté, sans mépris ».
Le Festival de BD d’Angoulême 2016 aura donc jusqu’au bout fait parler de lui ! Pour connaître le palmarès officiel, c’est par ici.
Michelle Mbanzoulou