
Les philosophes, on en entend parler en terminale puis on les oublie le plus naturellement du monde. Pourtant, ils nous aident à voir la vie autrement, car c’est ça, la philosophie : une façon de voir le monde et la vie. Êtes-vous philosophe, vous aussi ? Quel philosophe êtes-vous ?
Michel Serres, Alain Finkielkraut, Jacques Bouveresse, Pascal Engel, Ruwen Ogien… Ces noms vous disent quelque chose ? Comment ça, « non, rien du tout » ? Ce sont des philosophes contemporains, qui ont le mérite d’être encore vivants (car oui, des philosophes vivants, ça existe) ! Ils ont respectivement écrit Le contrat naturel ; La seule exactitude ; Peut-on ne pas croire ? : sur la vérité, la croyance & la foi ; La norme du vrai : philosophie de la logique etPhilosopher ou faire l’amour : essai. De bonnes lectures au coin du feu, non ? Si la philosophie vous a encore moins marqué qu’on le croyait, vous ignorez peut-être ce qu’est un philosophe… Eh bien, les philosophes sont ces personnes un peu décalées qu’on se plaît à imaginer une cigarette dans une main, un verre de whisky dans l’autre, et l’esprit complètement embrumé de considérations métaphysiques qu’on se passerait bien de partager. Déjà qu’on ne sait pas ce qu’on va manger au dîner, on ne va quand même pas aller chercher plus loin ! Mais tous les philosophes ne se ressemblent pas et chacun a sa manière bien à lui d’aborder l’existence. On détecte plusieurs profils :
Le sage
C’est le plus modéré d’entre tous. Le sage ne se prend pas vraiment la tête, même s’il semble impensable qu’un philosophe ne se prenne pas la tête. Il colle au plus près de l’étymologie de « philosophie » : « l’amour de la sagesse ». Vous ne le verrez pas entrer dans des débats passionnés et enflammés sur le statut de la femme dans le cosinus de la racine carrée de 25 divisée par le nombre d’habitants qu’il y aura sur Terre en 2055. Il est plus terre-à-terre que ça. Et ça lui va tout à fait, d’ailleurs. Son entourage ne peut que le remercier d’être presque « normal », car il n’a pas trop honte de lui. D’ailleurs, ça lui est un peu égal, au sage, qu’on ait honte de lui ou pas. Entre « être ou ne pas être », il a décidé d’être. « Je suis comme je suis ». Le sage se laisse vivre et, par là même, est facile à vivre.
Le défaitiste
Rien ne va dans sa vie, rien ne va dans celle des autres, rien ne va dans le monde, et il vaudrait mieux se suicider maintenant que d’attendre encore 20 ans, parce que de toute façon l’humanité est condamnée. Vous l’avez compris, dans l’esprit du défaitiste, il n’y a aucune place pour l’espoir et la foi. Tout est perdu d’avance. Le défaitiste est un Misanthrope qui s’assume : il n’aime pas les hommes, il ne sait même pas ce qu’il fait sur cette terre… à part être le messager, l’annonceur de la fin des mœurs. Il a fait du « o tempora, o mores ! » de Cicéron son hymne, qu’il claironne à tout va à qui veut bien l’entendre. Sauf que pour lui, même les époques passées étaient d’une décadence sans nom et ne valaient aucunement la peine d’être vécues. Réjouissant.
L’optimiste
Il voit le verre à moitié plein et adopte la « positive attitude ». Il ne se laisse pas abattre par tout ce qui pourrait l’inquiéter au quotidien : même s’il est lucide sur ce qui l’entoure, il ne perd pas espoir et garde foi en l’humanité. L’obscurantisme, c’est à la porte ! Pourquoi accepter de se laisser décourager, alors que tant de bonnes choses sont encore possibles pour peu que chacun y mette du sien ? Il sera au premier rang, il sera même le leader s’il le faut : il ne laissera personne s’abandonner au désespoir. Il a beaucoup lu Leibniz, il a aussi aimé Candide, même si Voltaire y a beaucoup tourné en dérision ce grand philosophe allemand : « tout » n’est peut-être pas « bien dans le meilleur des mondes », mais ça viendra, il en est persuadé. L’optimiste sauvera l’humanité.
L’épicurien
Il prend la vie du bon côté et veut en profiter à fond, sans penser au lendemain. Son mot d’ordre ? « Carpe diem », comme le disait si bien Horace, de son temps. Pourquoi se donner tant de soucis quand la vie est aussi courte et belle ? Comme le disait Épicure, « la mort n’est rien pour nous ». Effectivement, quand on est vivant elle n’est pas là et quand on est mort elle est déjà passée. CQFD. Mais surtout, le plus important est d’être heureux, à l’abri de toute nécessité. Épicure disait volontiers : « Mon cœur est saturé de plaisir quand j’ai du pain et de l’eau ». L’épicurien n’est donc pas le débauché de ce monde, l’épicurien est celui qui profite le plus des petits plaisirs que la terre peut lui offrir, sans avidité aucune. Le tout part de l’envie d’être heureux, donc chaque occasion est bonne pour sourire. L’épicurien, c’est le rayon de soleil.
Le stoïcien
C’est un vrai dur. Le stoïcien, vous ne l’entendrez jamais se plaindre parce que le RER est arrivé en retard ou parce qu’il a les oreilles décollées. Le stoïcien sait que dans ce monde, il y a deux sortes de choses : « ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous ». Il tient cette maxime d’Épictète, et il l’en remercie chaque jour, car elle fait de lui l’homme incroyable qu’il est. Car le stoïcien force l’admiration et le respect. Il ne se plaindra pas, quel que soit le degré de douleur. Le stoïcien est libre et vertueux. Peu importe sa position dans ce monde, il ne dénigrera pas ceux qui sont sous ses ordres, car, comme Cicéron l’a si bien dit, « plus on est placé haut, plus on doit se montrer humble ». Car le stoïcien sait que, à tout moment, ce qu’il a acquis peut lui être retiré. En même temps, il ne se laisse abattre par rien, car il considère qu’il n’existe pas d’obstacle en tant que tel, tant que notre volonté est assez forte pour le surmonter.
Le visionnaire
Il n’est pas compris par ses contemporains. Il est en avance et il le sait. Le visionnaire passe pour un fou auprès de ses pairs et même de ses proches. Ses idées n’entrent pas en adéquation avec les considérations de son époque, mais il garde sa ligne de conduite et de pensée, même s’il a conscience de se mettre tout le monde à dos et de s’isoler complètement du monde qui l’entoure. Qu’importe. Le visionnaire sait qu’il a raison, il sait que dans 50 ans les mœurs auront radicalement changé, comme il ne cesse de l’affirmer, que les enfants naîtront avant leurs parents et que les animaux seront doués de parole. Car il croit au progrès, à la science, à la puissance des mots et des convictions. Tous les jours, il rédige ses mémoires, dans lesquels il insère aussi toutes ses théories concernant le futur de l’humanité. C’est un génie, il le sait, et les génies ne sont incompris qu’à leur époque. Dans moins d’un siècle, il sera pris au sérieux, à titre posthume. Il y croit, c’est déjà ça !