Celle que ses fans surnomment affectueusement « notre reine » ne cesse de fasciner et de déclencher des passions. Entre Harry Potter et l’enfant maudit – séquelle à la saga Harry Potter –, le tournage des Animaux fantastiques, et l’écriture du prochain tome des enquêtes de Cormoran Strike, J. K. Rowling trouve tout de même le temps de rester en contact avec ses fans via son compte Twitter et de s’occuper d’associations caritatives venant en aide aux familles défavorisées. Une belle revanche sur la vie.

(Photo by Dan Hallman/Invision/AP)
Un chemin semé d’embuches
Comment faire quand on est une petite fille pleine d’imagination et que tout dans son environnement est source d’inspiration ? C’est simple, on écrit ! Dès l’âge de six ans, « Jo » Rowling commence à écrire. Son mentor est Shakespeare et les gens qui l’entourent, ses futurs personnages. Mais elle n’en sait encore rien. À l’adolescence, elle aime divertir ses amis en racontant des histoires et choisit d’étudier des matières linguistiques, comme l’anglais ou le français – ses grands-parents maternels étant français. Elle tente d’entrer à l’université d’Oxford, mais son lycée n’est pas assez bien réputé, et elle fréquente finalement l’université d’Exeter dont les cours ne l’intéressent pas vraiment ; ce qu’elle préfère, c’est passer du temps dehors, et les répétitions théâtrales. Elle termine ses études en 1987, et il faudra attendre un train en retard en gare de Manchester, un jour de 1990, avant que l’idée d’Harry Potter ne germe dans son esprit. C’est dans un café à Porto, le Majestic, qu’elle commence la rédaction d’Harry Potter. Malheureusement, « Jo » est contrainte de retourner en Angleterre en 1993, chez sa sœur. Elle décrit cette période comme la plus difficile de sa vie. Sa situation précaire la fait tomber dans la dépression, dont elle s’inspire plus tard pour créer les Détraqueurs. Après sa maladie, elle décide d’enseigner et se dépêche d’achever le premier tome des aventures du sorcier à lunettes. Il aura fallu attendre l’année 1997 et le refus d’une dizaine d’éditeurs avant de voir Harry Potter en librairie.
Une femme engagée

(Photo by Ben Pruchnie/Getty Images)
J. K. Rowling a toujours manifesté son soutien au Parti Travailliste et au Parti Démocrate américain. Elle ne se reconnaît pas du tout dans les valeurs véhiculées par les Tories et particulièrement par le premier ministre David Cameron. Ces derniers ont une vision de la femme et de la famille très traditionaliste et excluent régulièrement les couples non-mariés et les mères célibataires de leurs projets de loi, ce qui touche beaucoup l’auteure, ayant été elle-même mère célibataire. Elle répond d’ailleurs à la proposition de David Cameron de donner 150£ aux couples mariés en difficulté, en ces termes :
« Si le seul conseil de M.Cameron à l’égard des femmes qui sont seules à s’occuper de leurs enfants et qui vivent dans la pauvreté est « mariez-vous », il montre alors toute l’étendue de son ignorance à propos de leur situation. »
Plus récemment, elle s’est opposée à l’indépendance de l’Écosse, lors des élections de 2015. Elle confie comprendre les indépendantistes, mais les trouve naïfs de penser qu’il n’y aurait aucune conséquence négative ; si le pays devait retrouver son indépendance, il ne serait pas assez compétitif sur le marché global et serait incapable de résister aux pressions internationales alors que son économie se remet fébrilement de la crise.
La philanthrope
Rowling at the White House Easter Egg Roll, 2010
J. K. Rowling est la seule milliardaire au monde à avoir perdu son statut, après avoir fait don de 160 000 000£ (environ 203 041 178 €) à des œuvres de charité et des associations caritatives. Cette volonté de venir en aide aux autres n’est pas venue avec la célébrité. Dès la sortie de l’université, elle travaille pour Amnesty International. Quelques années plus tard, elle est ambassadrice pour l’association Gingerbread qui vient en aide aux familles monoparentales, avant d’en prendre la présidence en 2007.
En 2005, elle crée l’association Lumos, partant du postulat qu’aucun enfant ne devrait être privé d’une vie de famille à cause de la pauvreté, du handicap, ou de ses origines ethniques. Plutôt que d’aider les établissements spécialisés et les orphelinats financièrement – les cas de maltraitance y étant nombreux – Lumos a pour but de venir en aide aux familles, afin qu’elles soient en mesure de subvenir aux besoins de leurs enfants. L’opération a commencé dans les pays de l’Est, puis s’est étendue au fil des années. Chaque année, 8 000 000 d’enfants bénéficient de l’aide de Lumos. Depuis 2010, l’association lutte contre le placement systématique des enfants dans ces établissements. Cette même année, J. K. Rowling fait un don à l’université d’Édimbourg pour l’ouverture d’une nouvelle clinique, spécialisée dans le traitement de la sclérose en plaque et d’autres maladies neurodégénératives. La clinique s’appelle Anne Rowling, en hommage à sa mère, décédée dès suites d’une sclérose en plaque.
De la pluralité des genres, D’Harry Potter à Cormoran Strike
On connaît essentiellement J. K. Rowling comme l’auteure d’Harry Potter, oubliant parfois que ce n’est pas sa seule saga. Elle a déclaré vouloir s’éloigner quelque peu du sorcier, en écrivant sur d’autres sujets, dans un style nouveau. En 2012, Une Place à prendre est ainsi publié, un roman qu’elle destine principalement aux adultes. Le style est radicalement différent et le rythme beaucoup plus lent que ce à quoi les lecteurs étaient habitués. Ce n’est pas un policier, ni un thriller, ni tout à fait un drame. Les codes classiques de l’analyse littéraire ne s’appliquent pas à ce roman-ovni. Une Place à prendre est une réflexion sur la nature humaine, basée sur un large spectre de personnages qu’on pourrait rencontrer dans la vie réelle. Ce n’est pas l’action qui compte, mais plutôt le processus qui amène à cette action. Ce qui commence comme une comédie noire se termine en tragédie, le changement de ton se faisant graduellement, enveloppant le lecteur dans une sorte de malaise. Aucun élément fantastique, mais un réalisme brutal.
En 2013, la presse s’interroge. Un nouveau roman policier vient de paraître, écrit par un certain Robert Galbraith. Pour un premier roman, il semble très réussi. Trop réussi. Il ne faudra pas longtemps aux journalistes pour découvrir queJ. K. Rowling se cache sous ce pseudonyme. Elle souhaitait alors que sa saga soit publiée non pour son auteur, mais pour sa qualité. Le pari est réussi, puisqu’elle le fait publier sous pseudonyme, après avoir essuyé quelques refus (moins nombreux que ceux d’Harry Potter cependant). Ironie de l’histoire, le premier éditeur auquel elle avait envoyé un exemplaire de L’École des sorciers est également le premier auquel elle a envoyé un exemplaire de L’Appel du coucou. L’éditeur a refusé les deux manuscrits et « Jo » révèle en 2015 qu’il lui a écrit la lettre de refus la plus grossière qu’elle ait jamais vue. On en connaît un qui doit se mordre les doigts.
Camille Cantenot