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Le pouvoir des mots

La plume, on le sait, est plus forte que l’épée. Un instant de lecture peut suffire à nous changer. De nombreuses études ont mis en avant la puissante action des mots sur l’homme. L’hypnose est sans doute l’exemple le plus frappant de cette synergie entre la parole et le cerveau. 

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L’influence des mots sur notre subconscient

Des études récentes ont prouvé que nous percevons une situation de façon différente en fonction des mots utilisés pour la décrire. Ainsi, voici l’exemple d’une expérience décrite dans un article de VR2 qui semble le prouver. On a montré à un certain nombre de personnes une vidéo d’un accident de voiture sans conséquences graves. Les personnes ayant visionné la vidéo ont ensuite été séparées en trois groupes. On a demandé à chacun d’eux d’estimer la vitesse à laquelle roulaient les véhicules au moment où ils se sont « rencontrés » (c’est le mot employé avec le premier groupe), « heurtés » (mot utilisé avec le deuxième groupe) ou « percutés » (pour le troisième groupe). Les résultats ont montré une différence de 50km/h entre les estimations du premier et du troisième groupe. Alors que tous ont regardé la même vidéo, leur jugement a été influencé, de façon plus ou moins consciente, par un mot seulement, et ses connotations.

Mieux encore, certains mots seraient plus puissants que d’autres. Les mots faisant allusion, de façon plus ou moins directe, à une sensation, nous font ressentir cette sensation qu’ils connotent, d’après une étude espagnole publiée dans la revue NeuroImage en 2006. Lors des expériences effectuées pour cette étude, les chercheurs ont scanné le cerveau des participants pour étudier leur réaction neurologique à certains mots. Face aux mots « parfum » et « café » ; associés à une odeur forte, le cortex olfactif primaire s’est mis en marche dans le cerveau des patients. Les mots « neutres, tels que « chaise » ou « clé », n’ont quant à eux provoqué aucune réaction.

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Selon une étude de l’université Emory, le cerveau réagit de façon bien meilleure aux métaphores sensorielles. Ainsi, dans une expérience similaire, le cortex sensoriel du cerveau des participants s’est activé à la phrase « Le chanteur avait une voix de velours », mais pas lors de la description plus terre-à-terre « le chanteur a une voix agréable ». Selon la même étude, le cerveau s’active également à la lecture de descriptions de mouvements « John saisit l’objet », par exemple. A la lecture de cette phrase, le même cortex qui permet à notre corps de se mettre en mouvement, s’allume.

Selon Merleau-Ponty « le mot et la parole cessent d’être une manière de désigner, pour devenir la présence de cette pensée dans le monde sensible ». Le mot cesse d’être la simple désignation de la chose, mais la chose elle-même.

Beaucoup plus qu’un moyen, le langage est quelque chose comme un être.

Car le mot, qu’on le sache, est un être vivant.

Victor Hugo, Les Contemplations

La littérature : une forme d’hypnose ?

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Les mots permettent donc de mobiliser les esprits. Ce que tout politicien sait bien, depuis l’Antiquité et la pratique de la rhétorique pour convaincre et persuader les foules. L’hypnose, pratique que Freud utilisait volontiers dans ses séances de psychanalyse, fascine également les écrivains. Car comme l’exprime Bergson, « L’objet de l’art est d’endormir les puissances actives ou plutôt résistantes de notre personnalité, et de nous amener ainsi à un état de docilité parfaite où nous réalisons l’idée qu’on nous suggère, où nous sympathisons avec le sentiment exprimé. Dans les procédés de l’art on retrouvera sous une forme atténuée, raffinés et en quelque sorte spiritualisés, les procédés par lesquels on obtient ordinairement l’hypnose. »

Essai sur les données immédiates de la conscience, « les sentiments esthétique »

La littérature serait-elle donc semblable à une forme d’hypnose ? Il semblerait que les deux aient des effets similaires. La littérature comme l’hypnose nous affecte par le biais des mots et leur pouvoir inhérent de suggestion.

L’écrivain Bernard Werber, auteur des Fourmis, a fait part de sa relation à l’hypnose dans son métier d’écrivain.

Tout ceci m’intéresse particulièrement en tant que romancier, de trouver des points communs entre un récit oral ou écrit, qui aboutit à l’imaginaire. En ce sens, l’hypnose m’a aidé à améliorer mon art de raconter, dans la mesure où je joue depuis plus avec la capacité de création du lecteur. Si j’écris « il avait devant lui un spectacle étonnant », chacun va voir quelque chose d’étonnant, mais de différent. Il y a une phrase que j’aime beaucoup, pour commencer un roman: « Il ouvrit la porte et recula de surprise ». On ne sait pas encore qui il est ni ce qu’il voit, mais tout le monde, en huit mots, a déjà imaginé quelque chose.

Les mots : armes de l’écrivain

Dans la pratique de l’hypnose, il est essentiel de trouver le mot juste pour agir sur le patient. Les mots employés par l’hypnotiseur doivent être choisis de façon très précise. Un seul mot inapproprié et tout l’effet opéré sur le cerveau du patient s’annule. Il en est de même en littérature. Trouver le mot juste est le combat de tout écrivain.

Un mot et tout est sauvé. Un mot et tout est perdu.

André Breton

La parole est un chaudron fêlé où l’on bat des mélodies à faire danser les ours lorsqu’on voudrait attendrir les étoiles .

Gustave Flaubert

Avec les mots on ne se méfie jamais suffisamment, ils ont l’air de rien les mots, pas l’air de dangers bien sûr, plutôt de petits vents, de petits sons de bouche, ni chauds ni froids, et facilement repris dès qu’ils arrivent dans l’énorme ennui gris mou du cerveau. On ne se méfie pas d’eux et le malheur arrive.

Céline

Ces livres qui ont changé des vies 

Nombreux sont les lecteurs à affirmer qu’un ou plusieurs livres ont changé leur existence. « Quand j’ai lu Le Mythe de Sisyphe, toute ma vie a changé ! ». Si cela peut paraître parfois exagéré, le pouvoir des mots sur notre imagination et notre inconscient peut nous faire voir le monde différemment après une lecture qui nous a particulièrement touchés.

Parmi les plus cités, on trouve Dostoïevski (Crime et châtiment, Les frères Karamazov, etc…). Certains affirment même que les livres de l’auteur russe les auraient conduits dans un état de transe hypnotique lors de leur lecture.

On retrouve également, livres classiques et contemporains confondus, L’Alchimiste de Paulo Coelho, Les Fourmis de Bernard Werber, Antigone de Jean Anouilh, Le petit prince d’Antoine de Saint-Exupéry, Voyage au bout de la nuit de Céline, Si c’est un homme de Primo Levi, L’étranger de Camus, La ferme des animaux et 1984 de Georges Orwell, Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley, L’Insoutenable légèreté de l’être de Milan Kundera, Les Fleurs du mal de Baudelaire, L’écume des jours de Boris Vian, et aussi Harry Potter de J.K. Rowling ou encore Le Seigneur des anneaux de J.R.R. Tolkien. C’est une liste bien entendu non exhaustive.

Selon diverses études scientifiques, certaines lectures sont plus puissantes que d’autres en fonction des mots qu’elles contiennent .

Car, on ne le répètera jamais assez, la plume, on le sait, est plus forte que l’épée. En possession d’une telle arme, l’écrivain ne peut se permettre de jouer avec le hasard.

Ashley Cooper

Source : http://www.cin-ric.ca/resources/Le-pouvoir-des-mots.html

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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