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Littérature : quelle place pour les femmes ?

 

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Elles ont longtemps été la cible préférée des romanciers, et elles le sont encore : les femmes tiennent une place avérée de lectrices, et sont reconnues comme telles. Il suffit de contempler La Liseuse de Fragonard pour en avoir la preuve. Mais quelle est leur place de l’autre côté des mots ? L’écriture est-elle une activité principalement masculine ?  

À l’heure où la parité est de mise et où les femmes sont devenues une sorte d’atout marketing, il semble incroyable de se demander si les femmes sont reconnues comme auteures. La réponse semble claire : oui ! Eh bien, ce n’est peut-être pas aussi simple que cela.

La polémique du festival d’Angoulême

L’exemple le plus révélateur du moment est la polémique qui a eu lieu autour du Grand Prix du Festival d’Angoulême, qui récompense chaque année un auteur de bandes-dessinées sur la base de son œuvre, et qui aura lieu cette année du 28 au 31 janvier 2016. Pourquoi une polémique a-t-elle émergé ? Parce que la liste de nominés au Grand Prix du Festival ne comprend aucune femme cette année. Après la vive réaction de différents auteur(e)s, le Festival a décidé de mettre en place un libre vote de chacun des participants, faisant ainsi évoluer son ancien système, qui consistait à constituer une liste de noms éligibles. Notons que le Grand Prix du Festival n’a, à ce jour, été remporté que par deux femmes : Claire Bretécher en 1982 et Florence Cestac en 2000.

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La Liseuse, Jean-Honoré Fragonard, 1770

Néanmoins, il faut voir plus loin que la polémique, et constater que la Sélection Officielle de 2016 qui, elle, récompense les meilleurs bandes-dessinées de l’année, contient une proportion de 25% de livres écrits par des femmes, alors qu’elles ne représentent environ que 15 % des auteurs de BD. Cette polémique nous amène à nous interroger sur la place qu’occupent les femmes dans la littérature. Si elles ont longtemps été sous-estimées, les femmes étant censées écrire des livres sans prétention intellectuelle destinés à d’autres femmes, il ne nous faut pas oublier l’impact qu’ont eu au XVIIe siècle Madeleine de Scudéry et Madame de Lafayette sur le genre romanesque, genre dominant s’il en est. En effet, elles ont apporté une dimension plus psychologique et portraitique à ce genre littéraire.

Quelles autres grandes écrivaines pouvons-nous citer pour étayer ce propos ? Sans aucun doute Simone de Beauvoir, Marguerite Duras et Nathalie Sarraute, et à l’internationale Virginia Woolf et Jane Austen, entre autres, ces 5 femmes ayant changé la face de l’écriture romanesque. Mais elles sont loin d’être les seules, bien entendu.

Photo de Madame de Scudery

Portrait de Madeleine de Scudéry, École française (Bibliothèque municipale du Havre)

une littérature encore mysogine

Cependant, notre société actuelle nous force à croire que le sexisme a encore de beaux jours devant lui chez les écrivains, et ce dans le monde entier. En effet, en 2015, une américaine nommée Catherine Nichols a envoyé son manuscrit à plusieurs agents sous un pseudonyme masculin : George. Cette expérience a confirmé que le sexisme avait encore largement cours dans le milieu. En effet, elle a obtenu 17 demandes de manuscrit sur un envoi de 50 propositions, contre à peine 2 sous son vrai nom. De plus, les refus se sont avérés plus chaleureux et encourageants lorsqu’ils étaient adressés à George. Il semblerait qu’agents et éditeurs soient plus confiants face à un homme, qui à leurs yeux représenterait un meilleur investissement, et peut-être un talent plus évident Pourtant, selon The Guardian, deux tiers des livres en vente sont achetés par des femmes. Liseuses donc, mais pas auteures ?

Photo d'une femme lectrice

Le monde littéraire gagnerait à mettre en exergue de plus nombreux talents féminins. En France, les femmes ne sont que 24% à être lauréates. Seul un travail d’équipe incluant écrivains, éditeurs et lecteurs pourra mener à une évolution positive dans ce domaine. Le Prix Femina, l’un des grands prix littéraires français, tend à ce résultat. Il est en effet, depuis sa création en 1904, composé d’un jury entièrement féminin, qui récompense chaque année des œuvres de prose et de poésie, indépendamment du sexe de l’auteur. Mais c’est peut-être le prix qui laisse le plus sa chance aux femmes, avec 36 lauréates sur 105 contre 10 sur 113 pour le Prix Goncourt. Un filon et des talents restent donc encore à être pleinement exploités… Le monde de l’édition peut encore évoluer !

Michelle Mbanzoulou

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