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Adaptation cinématographique : toujours décevante ?

cinéma

Confucius disait « une image vaut mille mots ». Se basant sur cette affirmation, on pourrait penser que le cinéma peut exprimer plus de choses que la littérature. Pourtant, les adaptations cinématographiques des œuvres littéraires les plus populaires sont souvent décevantes… Alors, images ou mots ?

C’est un fait : nos yeux nous servent d’abord à regarder, avant de nous permettre de lire. La télévision est très prisée de tous, grands comme plus jeunes, et ce sont quelques rares 2% qui en sont dépourvus en France. Les images tendent donc à avoir un impact fort sur le public. Mais ont-elles un plus fort impact que les mots ?

Si les images font simplement appel à notre vue, la lecture demande plus d’efforts, dans le sens où elle nécessite en plus notre imagination, car nous ne faisons que visualiser la scène, qui ne se joue pas de facto devant nos yeux.
Lire appelle donc un travail plus poussé, et apporte plus à notre développement intellectuel, car plus on lit, mieux on écrit et mieux on comprend non seulement sa langue, mais aussi le monde dans lequel on vit.
Lire un roman procure un plaisir incomparable au lecteur : celui de participer à l’œuvre, presque au même titre que l’auteur, et de la faire évoluer. Ainsi, les différents personnages, les lieux, les voix… tout en est remis à l’imagination du lecteur, qui prend pour base les descriptions de l’auteur, mais qui est tout à fait libre d’aller bien au-delà, car il n’est pas limité par une quelconque image qui inscrirait réellement l’action dans l’espace.

freres-lumiere
Auguste et Louis Lumière

Littérature et cinéma, ou l’art de transformer le mot en image

Pourtant, le monde du cinéma adapte, et ce déjà depuis l’époque des frères Lumières, les œuvres littéraires. On dit souvent qu’il vaut mieux lire un livre qu’aller voir son adaptation, ou du moins, s’il faut la visionner, ne le faire qu’une fois la lecture terminée. Pourquoi un tel conseil ? Sans doute pour ne pas se laisser emprisonner par des visages, des voix et des décors, qui contraindraient ainsi notre imagination, nous empêchant de nous évader totalement lors de la lecture.

Mais ce n’est pas tout : l’adaptation cinématographique d’une œuvre est, le plus souvent, décevante du point de vue des lecteurs. Ils considèrent souvent que le livre n’a pas été respecté dans sa précision, que l’histoire est plus superficielle, moins prenante. Mais n’est-ce pas un prérequis du cinéma ? Comment adapter, en environ 90 minutes, des centaines de pages, des dizaines de milliers de mots ?

Le maître mot pour les adaptateurs est clair : respecter l’œuvre de départ. Un projet en soi louable, mais qui ne peut que conduire à des déceptions, pour la simple et bonne raison qu’un livre n’est pas un film. Littérature et cinéma sont deux arts et deux langages tout à fait différents, avec leurs propres codes.

Un film tiré d’un scénario original sera jugé pour ce qu’il est : un film. Mais les adaptations ont le malheur d’être jugées sur la base du livre, qu’elles ne peuvent, en vérité, pas rendre dans son intégralité ni sa profondeur. Quel est donc le rôle du réalisateur et du scénariste ? Doivent-ils rester le plus fidèles possible à l’œuvre originelle, risquant ainsi de ne faire qu’une fade projection de mots en images, ou vaut-il mieux qu’ils apportent une touche personnelle et complètement cinématographique à leur film, en faisant une œuvre nouvelle à part entière ?

Stanley-Kubrick

Stanley Kubrick, cinéaste majeur du XXe siècle, avait fait son choix. Même si cela voulait dire d’importants désaccords avec les auteurs, il n’hésitait jamais à se détacher du matériel originel et à prendre autant de libertés que nécessaire. Il ajoutait sa propre vision à celle de l’auteur, apportant ainsi une plus-value à l’œuvre : un regard de cinéaste, en plus du simple regard de l’écrivain que beaucoup de scénaristes essaient de reproduire, parfois en vain.

Des adaptations décevantes

Cette philosophie, ils sont nombreux à ne pas l’avoir adoptée. Nous citerons notamment : Declan Donnellan et Nick Ormerod avec leur adaptation de Bel Ami de Maupassant en 2012, dans laquelle Robert Pattinson et Uma Thurman campent les rôles principaux, et que les spectateurs accusent d’être insipide et bâclée ; Glenio Bonder et son adaptation de Belle du seigneur d’Albert Cohen en 2013, avec en tête d’affiche Jonathan Rhys-Meyers et Natalia Vodianova, que de nombreux spectateurs ont trouvée décevante car plate et sans profondeur.

D’autres adaptations laissent perplexes, comme celle d’Anna Karénine, œuvre originale de Tolstoï, reprise par Joe Wright en 2012, où Keira Knightley et Jude Law sont mis à l’honneur. La mise en scène est assez déstabilisante, alliant effets théâtraux et effets cinématographiques, et le réalisateur n’a décidé de se concentrer que sur les chapitres traitant de la romance, laissant ainsi de côté toutes les autres dimensions de l’œuvre, et laissant mécontents de nombreux fans du roman.

Pour en finir avec les exemples, nous mentionnerons Les Misérables de Tom Hooper, sorti en 2013 et tiré du chef-d’œuvre de Victor Hugo. On y retrouve notamment Hugh Jackman et Anne Hathaway, mais cela ne suffit pas pour convaincre. Pour beaucoup, paillettes et scènes chantées à la Broadway l’emportent sur le génie du texte originel.

Pour qu’une adaptation ne soit pas décevante, il faudrait donc qu’elle allie vision de l’écrivain et vision du cinéaste, pour apporter une dimension nouvelle à l’œuvre qui justifie cette adaptation. Il ne doit pas être question d’essayer de mettre les mots en images, mais plutôt de se servir de l’image pour enrichir les mots qui sous-tendent le scénario.  Par ailleurs, le public doit lui aussi se montrer coopératif et ne pas aller voir une adaptation pour essayer de retrouver en images ce qu’il a déjà lu.

Autant garder l’esprit ouvert et aller voir un film en tant que cinéphile plutôt que bibliophile, non seulement pour ne pas être déçu, mais aussi pour laisser sa chance à une œuvre de totalement s’exprimer dans le genre qui la caractérise.

Michelle Mbanzoulou

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