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Quand les faits divers inspirent les romans

« Voici un assassinat : s’il est politique, c’est une information, s’il ne l’est pas, c’est un fait divers. » C’est ainsi que commence le fameux article de Roland Barthes intitulé « La structure du fait divers ». Roland Barthes y explicite la nature du fait divers, qui à l’inverse de l’information « ne renvoie formellement à rien d’autre que lui-même ». Entre fiction et réalité, le fait divers renferme en son sein un mystère, il motive chez le lecteur sa pulsion de voir, connaître, comprendre la psychologie des acteurs. C’est ainsi que l’écrivain, semblable à un chirurgien, ouvre le cœur des « chiens écrasés » contenus dans les rubriques des journaux, pour y plonger ses outils littéraires, et donner une éclatante postérité à l’anonymat. Lecthot vous propose de découvrir quelques uns des grands romans dont le succès est dû à un fait divers, bien souvent oublié de tous …

Le dix-neuvième siècle

Le dix-neuvième siècle est friand de faits divers, soudainement véhiculés en nombre à travers l’essor de la presse. Face à l’ampleur des œuvres construites à partir d’un faits divers, la liste ne saura être exhaustive.

Le Rouge et le Noir (Stendhal), Affaire Berthet 1827 : à Brangues en Isère

Un ancien séminariste devient le précepteur des enfants de la famille Michoud. Après un passage au séminaire, il entre au service de la noble famille Cordon et séduit la fille de son employeur. Chassé, il décide de se venger sur Madame Michoud, dans une église. La suite : un procès et une exécution, Antoine Berthet avait 25 ans.

Madame Bovary (Flaubert), Affaire Delamare 1848 :

La femme d’un officier de santé, installée en Normandie après avoir vécue quelques relations adultères, meurt empoisonnée.

Les Démons (Fedor Mikhaïlovitch Dostoïevski) Assassinat d’Ivanov

Le nihilisme et l’abandon de dieu y troublent profondément le lecteur. Et pour cause, c’est à partir du fait divers de l’assassinat d’un étudiant nommé Ivanov (membre de la « Vindicte du peuple ») par son dirigeant Serge Netchaïev pour insoumission, que l’auteur a pu construire son roman qui à l’origine projetait d’être une satire de l’ordre établi.

La séquestrée de Poitiers, L’affaire Blanche Monnier

Cette œuvre méconnue qui déborde légèrement du dix-neuvième siècle, choqua l’opinion publique, donnant lieu à la chronique judiciaire d’André Gide, La séquestrée de Poitiers.

Le 23 mai 1901, une perquisition a lieu chez Louise Monnier à Paris. Les enquêteurs découvrent Blanche Monnier, retenue recluse 25 années dans une chambre du deuxième étage, sans air, sans lumière, le parquet recouvert de déchets et d’excréments. Elle pèse 25 kilos lors de sa découverte. Souffrant de troubles mentaux, Blanche avait été cachée par sa famille craignant le déshonneur que pouvait attirer leur fille sur son père, doyen de la faculté des lettres de Poitiers. Une terrible histoire suite à laquelle la mère est emprisonnée. Son frère, lui, est acquitté, n’ayant pas activement participé à la réclusion de sa sœur. Blanche finit ses jours dans un hôpital psychiatrique et meurt douze ans plus tard. Gide se saisit de ce fait divers pour dénoncer l’obscurantisme bourgeois de son époque. N’oublions pas qu’au dix-neuvième siècle, le maître du suspens Edgar Allan Poe utilisait lui aussi des faits divers comme matière de ses nouvelles !

Quand la fiction devient réalité  

Le roman ultime, c’est lorsque réalité et fiction se confondent. Ce que nous lisons a peut-être cours ailleurs. Voilà la terrible réalité à laquelle ont été confrontés les enquêteurs-lecteurs du roman de Krystian Bala, Amok (référence à la nouvelle de Stefan Zweig). Dariusz Janiszewski, un homme d’affaire polonais est retrouvé mort en 2000 dans les eaux de l’Oder dans le sud-ouest de la Pologne. Mais rien. Les enquêteurs ne trouvent rien. Meurtre parfait ? Non, un détective croit connaître le meurtrier, certaines de ses pistes remontent à un homme : Krystian Bala. La plus évidente de celles-ci terrifie les enquêteurs : il est décrit dans le roman avec une extrême précision, à travers une terrible scène de martyr, le mode opératoire du meurtre- que nous ne décrirons pas. Aucun doute, Krystian Bala, romancier et meurtrier, est coupable du meurtre de Dariusz Janiszewski. Le mobile du meurtre ? L’homme d’affaires était l’amant de l’ex-femme du coupable. La peine requise à son encontre est de 25 ans.

Autre fait divers où la littérature joue un rôle majeur dans la révélation d’un meurtrier : à Athènes, le 6 Décembre 2014, l’écrivain grec Menis Koumandareas est retrouvé mort, étranglé à l’âge de 83 ans. Encore une fois les livres vont être d’un grand secours pour les enquêteurs. Ne sachant où chercher, les enquêteurs découvrent dans le dernier roman (quasi autobiographique) de l’écrivain, Le Trésor du temps paru la même année, le suspect et le mobile, identifiés déjà par l’auteur. Une clairvoyance qui guidera les enquêteurs sur la piste d’un jeune roumain et de son complice, ces derniers furent condamnés. C’est pour une question d’argent que l’auteur grec fut étranglé. Ces deux romans effraient par le rapport qu’ils entretiennent avec la réalité; et si les livres que nous lisions n’étaient en réalité pas une fiction ?

Mathis Goddet

 

 

 

 

 

 

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