
Tout le monde connaît les comics, ces bandes dessinées américaines. Que l’on s’y intéresse depuis notre enfance, via les comics eux-mêmes ou bien leurs adaptations radiophoniques, télévisées ou cinématographiques, il est impossible d’y échapper.
Des codes pour dessiner un comics
Contrairement aux bandes-dessinées européennes, les comics répondent à un code quant à leur contenu. Pour qu’un numéro soit publié, il faut qu’il ait l’approbation du Comics Code Seal of Approval (CCA). Il arrive donc parfois qu’un numéro ne voit jamais le jour, à moins de repasser par la case dessin/scénario pour corriger les petits écarts au code. Mais ce code, qu’est-ce que c’est ? Ne vous en faites pas, Lecthot vous a concocté une petite liste. Le CCA a donc imposé les règles suivantes :
-Pas de représentation de drogues, de narcotiques, d’alcool ;
-Pas de scènes de violence excessive ;
-Pas de scènes de violences sexuelles et les histoires d’amour doivent mettre en avant le caractère sacré du mariage ;
-Les policiers, juges, membres du gouvernement et les institutions respectables ne peuvent être représentés de façon à susciter un manque de respect pour l’autorité établie (règle modifiée en 1971) ;
-Les policiers ne peuvent être tués par des criminels (règle modifiée en 1971) ;
-Le bien doit toujours triompher du mal ;
-Pas d’illustrations macabres, dégoutantes ;
-Pas de personnages de types loups-garous, goules, vampires ou zombies (règle modifiée en 1971, sauf pour les zombies).
Le CCA est né dans les années 1950. Après de nombreuses critiques, il a été décidé de réviser le code en 1971. Sage décision quand on sait qu’un réseau underground de comics avait vu le jour pour tous les comics qui n’avaient pas obtenu le précieux sésame, le sceau d’approbation. Et puis, quand Stan Lee lui-même essaie de contourner les règles, c’est qu’il est temps de les changer.
Ces règles se transmettent-elles aux adaptations cinématographiques ?
Prenons le cas de Batman v Superman. Promis, cet article est garanti presque sans spoilers. Porter un comics à l’écran, c’est toujours un pari risqué. Les films américains doivent passer par la Motion Picture Association of America (MPAA), avant de pouvoir sortir en salle. C’est la MPAA qui décide du public autorisé à voir tel ou tel film, avec un système assez peu clair : G, PG, PG -13, R, NC -17 (soit : tout le monde peut le voir ; accord parental souhaitable (déconseillé aux -10 ans) ; accord parental fortement recommandé (déconseillé aux -13 ans) ; les -17 ans doivent être accompagnés d’un adulte ; et enfin interdit aux -17 ans, tout bonnement).
Quand on cherche un peu, on tombe vite sur de nombreux articles nous indiquant que le film aura droit à sa version longue en DVD. Mais pourquoi ? Eh bien, pour pouvoir avoir un public plus large, le réalisateur Zack Snyder a décidé de couper certaines scènes car, jugées trop violentes par la MPAA, elles auraient fait tomber le film sous le sceau du R. Alors que Snyder visait plutôt un PG -13. Ce qui nous pose un petit problème quand on pense au code du CCA, non ? La règle sur la violence n’a pas été amendée, elle est toujours proscrite, et pourtant il semblerait que ni Batman, ni Superman, ne se soucie de faire dans la dentelle quand vient l’heure de se battre. Quant au DVD, même s’il écope d’un R, rien n’empêchera les jeunes ayant vu le film au cinéma d’acquérir le DVD et de regarder la version longue et ses scènes violentes. On se retrouve donc avec un petit problème, puisqu’avec la sortie en DVD du film, les règles de la MPAA et du CCA seront très facilement contournables. Mais ça, c’est encore aux parents de voir.
Une trahison des personnages ?
Ce qui peut surtout gêner les fans, c’est la violation des codes que Batman s’était imposé à lui-même. Des principes de conduite. Alors, on peut dire ce qu’on veut du super-héros, qu’il est à la limite du despotisme ou bien que sa moralité ne connaît pas d’égal, Batman n’est guidé que par une chose : améliorer la vie des habitants de Gotham en chassant le crime de la ville. Batman ne s’intéresse pas aux petits criminels, qu’il laisse volontiers à la police, mais aux gros poissons. La moitié des prisonniers de la prison de Gotham y ont été envoyés à cause de lui. Car non, Batman ne tue pas. Il arrête et fait légalement emprisonner les criminels. Lorsqu’il se bat, il n’utilise jamais plus de force que son adversaire n’en a (enfin, juste assez pour le vaincre). Son but n’est pas de répondre au crime par le crime, mais d’instaurer la justice et la paix. Ce qu’il réussit plutôt bien dans l’ensemble.
Et pourtant, le Batman de Batman v Superman condamne ses ennemis à une mort certaine. Il sombre dans une spirale de violence et n’hésite pas à marquer les criminels de son signe (la chauve-souris). Seulement voilà, une fois en prison, tous les criminels qui portent ce signe sont systématiquement passés à tabac et tués par les autres prisonniers, et ça, Batman ne peut pas l’ignorer. Où est-donc passé le Batman, certes sombre, mais juste et moral, qui ne se permettrait jamais de tuer qui que ce soit ? C’est d’ailleurs l’une des raisons qui pousse Superman à l’affronter, pour l’arrêter dans sa violence. Mais, comme on avait dit qu’on ne révélerait presque pas de spoilers, on va s’arrêter là.
C’est assez difficile de transposer un comics au cinéma. Il y a des codes spécifiques aux comics, des règles spécifiques au cinéma, et outre tout ça, il y a tellement d’histoires alternatives à propos de chaque personnage que c’est parfois compliqué de s’en tenir à un comics. Dans le cas de Batman v Superman, il n’y a pas de comics avec cet intitulé. Il a donc fallu inventer, quitte à transgresser les caractères et les histoires.
Camille Cantenot