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Drogue et littérature #B2OBaudelaire

Lecthot déchire la page de ton ignorance pour rouler un gigantesque cône de connaissances ! On débarque dans un nuage de fumée pour ouvrir tes yeux rouges et fatigués et les poser sur ces auteurs perchés. Tes yeux déchiffrent difficilement ces mots venus d’ailleurs ? T’as pas la dégaine fumeuse d’un poète ? Il va chercher trop loin selon toi, mais tu te questionnes sur ce lointain ? Lecthot part en croisade en mode Beigbeder, le Don Quichotte 4G, pour déloger la bêtise et l’ennui. C’est matière grasse contre matière grise, Lecthot vient t’alléger l’esprit façon coach détox pour mieux le remplir après. Capisci ? Du haschich jusqu’à la mescaline, tu vas voyager en sniffant des lignes de poésie et retrouver ton « ténébreux orage traversé ça et là par de brillants soleils ». #B2OBaudelaire

baudelaire
Baudelaire

Le haschisch pour les « misérables oisifs »

Du bédo au joint, le haschich se fume à la sortie des lycées, dans des soirées d’adolescents quinquagénaires et jusque dans la chambre de ta grand-mère que tu ne soupçonnais pas hippie sous ses cheveux blancs. Une enquête non-exclusive : le haschich est-il un phénomène de mode ? Très certainement, mais une mode bien désuète pour parler franchement. Clash.

Au XIXème siècle déjà, Charles Baudelaire, Théophile Gautier, Gérard de Nerval ou encore Alexandre Dumas se réunissaient à l’Hôtel de Lauzun sous la surveillance du Docteur Moreau pour tester quelques drogues. Parmi elles le Dawamesk. Sous forme de pâte ou de confiture, ce haschich au nom imprononçable était mélangé avec du miel et des pistaches. BonneMaman, le bon plan pour des soirées réussies. Cependant, dans le poème Du Vin et du Haschich des Paradis artificiels, Baudelaire loue le vin et méprise le haschich :

Le haschisch appartient à la classe des joies solitaires ; il est fait pour les misérables oisifs. Le vin est utile, il produit des résultats fructifiants. 

Au pieu avec un peu d’opium

Or, la véritable fringale de Charles aux yeux pochés, c’est l’opium. Depuis Thomas de Quincey et son récit autobiographique Confessions d’un mangeur d’opium anglais, Baudelaire et tous ses amis s’allongeaient dans des canapés pour fumer l’opium chéri ou le boire goutte à goutte sous forme de Laudanum. Ces derniers s’abandonnaient à leurs rêveries, au son d’un mélancolique « sur la plage abandonnée, coquillages et crustacés ». Son poème Le poison inscrit dans Les Fleurs du Mal révèle son expérience opiacée entre extase et effroi :

L’opium agrandit ce qui n’a pas de bornes,
Allonge l’illimité,
Approfondit le temps, creuse la volupté,
Et de plaisirs noirs et mornes
Remplit l’âme au delà de sa capacité. 

Malgré tout, Baudelaire considérait l’opium comme « une habitude tyrannique », il ne supportait pas entendre chanter Souchon…

Retenez ceci, Baudelaire ne voyait aucun bonheur possible dans les drogues :

Les chercheurs de paradis font leur enfer, le préparent, le creusent avec un succès dont la précision les épouvanterait peut-être.

Bref. On aurait aussi pu te parler de Gérard de Nerval, auteur du poème El Desdichado, rongé par les drogues découvertes au cours de ses voyages en Orient et faisant germer en lui une folie : le poète baladait en laisse un homard dans la rue. De Rimbaud qui sans doute grâce à l’opium a accédé à une voyance poétique, remarquable dans Les Illuminations. De Verlaine et de son alcoolisme colérique l’entrainant à tirer sur Rimbaud, à être incarcéré et à relater sa conversion au catholicisme dans Sagesse clôturant l’oeuvre du poète.

Les poètes maudits ont ainsi souvent trouvé dans les différentes drogues une perception différente du monde, engendrant un rapport nouveau avec celui-ci, affranchi des codes. Au risque d’y perdre la santé et l’esprit. Mais on va plutôt parler maintenant des drogues de bonhomme, celles qui ont fait coller sévère all night long des auteurs contemporains.

We fly high,

No lie

Tu connais le LSD sans le connaître vraiment, tu en as vaguement entendu parler sans ne l’avoir jamais rencontré, un peu comme la mère de la cousine de ta tante… Imagine donc qu’avec le LSD, tu vis comme dans un clip de Philippe Katerine. Tu visualises ? Aldous Huxley en parlait déjà dans Brave New World. Mais, dans sa dystopie, le soma s’apparente au LSD. Un souci dans la vie ? Le soma vient à ta rescousse et VANISH les tâches s’évanouissent ! Un monde aseptisé dans lequel la notion de jouissance perd de son sens. C’est aussi dans Les portes de la perception (The Doors of Perception) que l’auteur raconte ses différentes expériences psychédéliques, un titre issu d’une citation célèbre et programmatique du poète mystique William Blake, Le Mariage du Ciel et de l’Enfer :

Si les portes de la perception étaient nettoyées, chaque chose apparaîtrait à l’homme telle qu’elle est, infinie.

La drogue ne peut-elle pas nous donner à voir le monde tel qu’il est vraiment ? La poésie ne donnerait-elle pas accès à ce monde crypté ?

Sinon comme autre psychotrope, on a en stock de la mescaline. C’est quoi ? Ce sont les petits cactus que tu récupères dans GTA V et qui te font devenir un chien ou un dauphin. Tu sais que je sais que nous savons ce que c’est. Soit, mais savais-tu que Sartre et Michaux en avaient pris, l’un pour une expérience scientifique, l’autre à des fins poétique ? Connaissances par les gouffres correspond au recueil de Michaux sur son expérience du cannabis. Dans Misérable Miracle, Michaux nous parle de son expérience de la mescaline, une chose selon lui indéfinissable où l’existence paraît plus accentuée et nous révéler sa véritable nature :

J’étais et je n’étais pas, j’étais pris, j’étais perdu, j’étais dans la plus grande ubiquité

En marge de son texte qui déjà te met dans des transes où tu te prends pour Jésus, Michaux a réalisé quelques dessins qui donnent un aperçu de ses visions. Ou peut-être jouait-il à trouver Charlie.

Pour finir le Very Bad Trip, tu vas découvrir ces auteurs mi-hommes mi-guèpes à fond sur la picouze. Pour les russes : Boulgakov, l’auteur de l’aliénant roman Le Maitre et Marguerite, se piquait à la morphine. Une drogue qui te pousse dans les bras de Morphée et te fait entrer dans une grande léthargie. Son expérience est racontée à travers l’histoire d’un médecin dans sa nouvelle Morphine. Chez les américains, on retrouve la Beat Generation des KerouacGinsberg et surtout Burroughs, adepte pervers du garrot ou pavot de la guerre. Ce qui l’amenait parfois raconte-t-il à passer ses journées à se regarder les doigts de pieds. Dans Le festin nu ou Junky de Burroughs, les lecteurs tombent du plongeoir et se noient dans la vie d’un junky. Flux et reflux sur le bateau ivre jusqu’à la nausée. Son récit rapporte les horreurs de ses addictions :

Nous sommes pratiquement à fond de came. Or, nous voilà paumés dans un patelin de vapes maigres, réduits à carburer au sirop pour la toux. On dégueule le sirop et on reprend la route, roule que je te roule, avec le vent du petit printemps qui souffle par tous les trous du tacot et glace nos corps grelottants et suants et malades.

Mais Burroughs fut « l’ange noir de La Beat Generation » qui correspondait dans les années soixante à un mouvement littéraire s’affranchissant des codes et conventions de l’Amérique puritaine. Leur texte refuse l’esthétique idéaliste, leur façon de vivre contrevient aux normes et leurs idées cherchent à produire une révolution sociale. Le dernier auteur, lui, a tout testé. Hunter S. Thompson raconte dans Las Vegas Parano the american dream à Las Vegas vu à travers la prise de différents produits hallucinogènes comme l’éther démoniaque, la mescaline, LSD et bien d’autres. L’auteur est aussi à l’origine d’une nouvelle forme de journalisme : le « journalisme gonzo » où l’auteur ose dire « je ».

Malgré la trépidation rhino-pharyngée que nous avons essayé de créer en vous, nous terminerons par dire que ne souhaitons pas encenser la drogue, en dépit de sa participation active dans le patrimoine littéraire mondial !

Mathis Goddet

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