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Expression d’une réalité triviale ou édulcorée, lumière sur les contes merveilleux

 

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Ils font partie de la culture nationale, voire très souvent internationale : les contes merveilleux ont une importance dans nos vies que nous ne pouvons nier. De simples références culturelles à véritables monuments sociétaux, ils sont plus que le reflet d’une époque : ils sont celui de l’humanité.

Qui ne connaît pas l’histoire de Cendrillon, celle de Blanche-Neige ou encore du Petit Chaperon rouge ? Elles font partie de l’imaginaire collectif mondial, même si certaines régions du globe ont aussi leurs propres contes. Au premier rang des contes les plus connus à travers le monde se place sans conteste celui de Cendrillon, qui a fait l’objet de maintes adaptations. La version que nous connaissons le mieux en France est celle que Charles Perrault a consignée dans Les Contes de ma mère l’Oye en 1697 sous le titre « Cendrillon ou la Petite Pantoufle de verre ». Les apports des Frères Grimm un peu plus tard ont permis de fixer la trame telle que nous la connaissons aujourd’hui.

Histoire des contes merveilleux

Un conte merveilleux est un récit assez court, s’inspirant du folklore et des légendes orales racontées de générations en générations. Dans ce genre de récits, des éléments surnaturels et féériques sont totalement intégrés à l’histoire sans que les personnages n’en soient troublés ou perplexes. Ils sont bien souvent porteurs d’une morale, notamment dans les versions qui ont été retranscrites et adaptées au jeune public. Même si le recueil de contes Les Nuits facétieuses publié en Italie par Straparola au XVIe siècle a connu un grand succès, c’est réellement à partir du XVIIe siècle que les récits transmis oralement ont été recueillis et couchés sur le papier pour ne pas être perdus, sous l’initiative de nombreux auteurs, en particulier des femmes, même si ceux que la tradition a retenus sont Charles Perrault (La Belle au bois dormant, Le Petit Chaperon rouge, Le Petit Poucet etc.), les Frères Grimm (Blanche-Neige, Raiponce, Hansel et Greteletc.) et Hans Christian Andersen (Le Vilain Petit Canard, La Reine des neiges, La Petite Sirène etc.). Ainsi, les contes de fées rédigés par des femmes fréquentant les salons mondains et littéraires sont nombreux. Madame d’Aulnoy est l’une des grandes figures : elle a insufflé au conte merveilleux un aspect subversif, revendicateur et cruel, qui lui a valu un grand succès dans les salons, mais moindre que celui de Perrault, auteur plus politiquement correct.

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Le petit Chaperon rouge dans le lit de sa grand-mère avec le loup • Extrait des Contes de Perrault/ Charles Perrault ; dessins par Gustave Doré ; préface de P.-J. Stahl. – Paris : Hetzel, 1862. • gravure • Bibliothèque de Bourg-en-Bresse.

Les contes de fées étaient donc au départ destinés aux adultes et non aux enfants. Les contes de Perrault étant lus à la Cour, le vocabulaire et le niveau littéraire se devaient d’être soutenus. C’est à la fin du siècle que l’idée d’écrire des contes pour enfants a commencé à germer dans les esprits des écrivains. Les contes de Grimm, quant à eux, publiés au XVIIIe siècle, étaient d’une véritable cruauté dans leur version originale qui, à force de réécritures, a été édulcorée pour plaire aussi bien aux enfants qu’aux adultes. Ainsi, la version originale de Blanche-Neige met-elle en scène une marâtre cannibale, qui demande en butin le foie, le poumon et le cœur de sa belle-fille afin d’en faire son dîner. L’héroïne, quant à elle, n’est pas réveillée par un baiser de son prince charmant, mais bien par une maladresse des nains, qui trébuchent en portant son cercueil. C’est ainsi qu’elle recrache le morceau de pomme empoisonné. Dans Cendrillon, les belles-sœurs tyranniques de l’héroïne se coupent les orteils afin d’enfiler le soulier de verre et elles finissent aveugles après que leurs yeux ont été arrachés par des pigeons.

Une influence positive sur les enfants

Avec le temps, les contes de fées sont donc devenus le symbole de l’enfance et de la candeur. Malgré leur forme simple et stéréotypée où le monde est vu de manière manichéenne, ils apportent une véritable réflexion sur la vie et permettent aux enfants de grandir et d’appréhender leur environnement. Ils gardent bien sûr une dimension éducative pour les adultes aussi, car on n’est jamais trop vieux pour apprendre et s’améliorer. Ainsi, chaque conte renferme une morale, qui peut soit être clairement énoncée à la fin du récit, soit se dégager de l’histoire en elle-même. Ils nous touchent encore aujourd’hui parce qu’ils ont cette caractéristique propre d’être hors du temps et de toute frontière définie. Grâce au « il était une fois », toute personne de toute époque peut se reconnaître. Les sujets abordés sont universels : il peut ainsi s’agir de la rivalité fraternelle et de l’injustice chez Cendrillon, de l’abandon et du sentiment d’infériorité chez lePetit Poucet, ou encore des dangers que le monde nous réserve, avec la figure du grand méchant loup chez le Petit Chaperon rouge.

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Le Chat Botté, illustration des contes de Perrault, Gustave Doré

Ces thèmes, aussi divers que l’est l’esprit humain, et la façon dont ils sont abordés, empreints de féérie et de magie, ont un véritable impact sur la psychologie de l’enfant en pleine croissance. La question a beaucoup intéressé psychologues, psychiatres et psychanalystes. Le plus célèbre d’entre eux est l’Américain Bruno Bettelheim, auteur de Psychanalyse des contes de fées. Selon lui, les contes de fées permettent à l’enfant de faire face à ses angoisses et d’appréhender la vie. Ils agissent au niveau de l’inconscient, et la personnalité affirmée de l’enfant se construit à partir de ces histoires qui sont le reflet de son intériorité et qui lui indiquent les étapes exigées pour atteindre la maturité. Ce travail sur l’inconscient est d’autant plus efficace que l’enfant réussit facilement à s’identifier au héros, qu’il accompagne au travers de toutes ses péripéties, et dont il partage les peurs, les joies et les victoires. L’univers merveilleux où tout est possible lui donne foi en ses propres capacités et le fait que les méchants soient toujours punis lui inspire une image forte de la justice et de ce que le mal n’a pas la possibilité de triompher. Le fameux « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants » rassure l’enfant, qui constate que les obstacles qu’il rencontrera dans la vie ne devront pas le décourager, car ils le mèneront à un bonheur certain.

La controverse des contes de fées

Si les contes ont cette visée de départ qui est d’éduquer les enfants et de leur permettre de grandir, ils font l’objet de débats, car on les accuse de ne pas donner une image exacte de la réalité aux enfants, et notamment aux jeunes filles, qui voient en Cendrillon un véritable modèle et pensent que, comme elle, elles deviendront des princesses d’un coup de baguette magique et trouveront leur Prince Charmant. Il faut tout de même préciser que cette remise en question des contes de fées apparaît surtout avec leur adaptation en dessins animés par les studios Walt Disney, qui ont fait deBlanche-Neige et les Sept Nains leur premier long métrage en 1937. Depuis, ils ont adapté à l’écran les contes les plus connus, qu’ils soient de Perrault, des frères Grimm ou d’Andersen. On reproche notamment à Disney, qui s’est approprié les contes, de sexualiser les jeunes filles à travers des messages subliminaux et de leur donner une image erronée de ce à quoi une femme doit ressembler (les princesses Disney ont toutes la taille très fine et sont parfaitement maquillées en toutes circonstances, à quelques rares exceptions près)

Le règne de Disney sur les contes de fées leur a donc donné une image beaucoup plus commerciale et sexuée. Le scandale qui a éclaté le 21 janvier 2016 au Qatar pousse encore plus loin l’interrogation sur l’influence que peuvent avoir les contes de fées, étant donné qu’un livre de Blanche-Neige inspiré du film Disney y a été censuré après la plainte du père d’un élève inscrit à la SEK International School, une école espagnole installée à Doha, la capitale. Edité par la collection Penguin Kids, le livre contiendrait selon lui des « insinuations sexuelles » et des illustrations « indécentes » allant à l’encontre des valeurs du pays. Après le retrait des exemplaires ordonné par le Conseil suprême de l’éducation, la proviseure de l’école, qui accueille des enfants de 3 à 18 ans de 27 pays, a même présenté ses excuses les plus plates.

Encore aujourd’hui, les contes de fées continuent donc à poser des questions et à faire réfléchir sur le monde et les valeurs des hommes. Ils sont résolument hors du temps.

Michelle Mbanzoulou

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