Dans l’ombre des glorieux héros se tiennent les anti-héros, ces personnages trouillards, incompétents, voire affublés d’un sale caractère… C’est à se demander comment ils ont fait à la fois pour survivre et pour recueillir la sympathie des lecteurs. Lecthot vous livre aujourd’hui les astuces pour assumer son anti-héroïsme. (Ou, Sauver le monde pour les nuls !)
Être bien entouré
C’est la règle d’or, l’élément indispensable à tout anti-héros qui souhaite tenir au-delà du chapitre 3. (Le premier chapitre servant à exposer sa vie profondément inintéressante et la nécessité d’y changer quelque chose, et le deuxième servant à lui faire rencontrer un artefact fantastique ou un messager d’un autre monde.) Tout est permis : un guerrier d’une tribu ancestrale, un sorcier renommé, une jolie princesse-prêtresse secrètement amoureuse de lui, son vrai père (Parce que l’anti-héros a été adopté, mais il l’ignore, l’anti-héros ignore tout !)… L’important est que des personnages confiants et talentueux soient là pour le soutenir, voire à terme, l’initier à leur art jusqu’à ce que leur protégé suinte la badassitude. D’après une estimation hasardeuse mais certainement crédible, Bobby Pendragon de l’œuvre éponyme, 14 ans, joueur de basket et prochain rédempteur de l’Univers, serait mort une dizaine de fois au cours du tome 1 si une organisation de voyageurs spatio-temporels n’avait pas été là pour rattraper ses bourdes et lui enseigner l’art de sauver sa peau.
Avoir un équipement au top…
C’est bien connu, tous les héros partent en reconnaissance fournis d’un arsenal salutaire d’objets divers et variés. Leur bagage doit pouvoir les tirer de n’importe quelle situation désespérée. Il en va de même pour l’anti-héros… Mais comme il ne sait pas se servir d’une arme ou d’un gadget ultrasophistiqué, il lui faut du matériel à la fois efficace et adapté à sa gaucherie. Tout d’abord, notre protagoniste a besoin de carburant, afin de garder la forme pendant 350 pages. D’après une expérience menée par le Dr. Matos sur un échantillon généreux d’anti-héros, le meilleur combustible pour les maintenir actifs serait de récurrents discours sur l’amitié et la morale. (D’où l’importance pour notre élu de disposer d’une fine équipe à son service.) Une exception a cependant été relevée chez les anti-héros anglais, tels que le protagoniste en peignoir Arthur Accroc dans Le Guide du voyageur galactique, qui marcheraient essentiellement au thé. Il est néanmoins conseillé à tous les anti-héros d’adopter cette boisson car, à défaut de savoir se défendre, ils pourront au moins proposer nonchalamment au méchant de discuter de tout ça autour d’une bonne tasse de thé. Hormis cela, l’anti-héros qui tient à la vie se doit de posséder des objets magiques, de préférence bénis par un vieux sorcier avant le grand départ pour l’aventure.
… Et une bonne dose d’idéalisme !
Enfin, même s’il est parfaitement malhabile au début de sa quête, l’anti-héros doit donner l’impression d’abriter un quota minimal d’espoir et de foi en l’intrigue dans son petit cœur. Pour cela, rien de tel qu’être l’élu d’une Prophétie : quoi qu’il dise et quoi qu’il fasse, on l’excusera car cela fait partie intégrante de la prédiction. Ainsi, comme Edmund Pevensie de la saga Narnia, il pourra tout à fait pactiser avec une sorcière aux desseins machiavéliques, puis se repentir et monter lui-même sur le trône, parce que c’était écrit. (Na !) Le cas échéant, l’anti-héros pourra s’inventer lui-même une histoire dans laquelle il détient un rôle clé, tel un Don Quichotte bravant vaillamment des moulins à vent. Ne vous moquez pas : ce n’est pas si évident de neutraliser pareils adversaires !
Camille Launay