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Restaurateurs et collectionneurs de livres anciens : esthètes et passeurs d’histoire

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Les livres anciens sont des témoignages historiques laissés par nos ancêtres. S’ils sont souvent en mauvais état, il convient de les restaurer pour qu’ils retrouvent un peu de leur fraîcheur d’antan. Le rôle des restaurateurs est donc primordial, puisqu’ils permettent aux contemporains d’avoir accès à des livres ayant traversé les siècles.

Qu’est-ce qu’un livre ancien ?

Les livres anciens présentent une grande diversité. Il s’agit à la fois de livres ayant été imprimés avant 1800, et de livres modernes, plus récents, car datant du XIXe siècle. De plus, les livres anciens ne sont pas forcément des livres, contrairement à ce que laisse penser leur nom : il peut en effet s’agir de documents historiques, d’estampes, de cartes, de périodiques, de manuscrits… Le champ est large et diversifié. En ce qui concerne les sujets traités, ils sont d’un éclectisme impressionnant : médecine, voyages, philosophie, économie, histoire, régionalisme, jardinage, équitation, beaux-arts, et bien d’autres encore. Il en existe pour tous les goûts, ce qui permet aux collectionneurs de s’épanouir complètement. Ces bibliophiles ont d’ailleurs des raisons variées de s’intéresser au livre ancien ; ils ne sont pas tous attirés par le même aspect. Pour certains, c’est la dédicace du livre par l’auteur qui prime, pour d’autres le sujet traité ainsi que sa manière de l’être, pour d’autres la beauté de la reliure. Le collectionneur, en plus d’être un passionné de littérature, est avant tout un esthète.

Comment se constituer une collection ?

Pour se constituer sa collection, le bibliophile est obligé de rester à l’affût de toutes les occasions qui peuvent se présenter à lui, comme aller passer du temps dans une bibliothèque de livres anciens et rares, ou encore parcourir les pages de sites de vente comme Abebooks ou Marelibri. Sur Abebooks, les vendeurs peuvent être des particuliers, mais Marelibri est un réseau de libraires professionnels. Ce dernier possède un catalogue de 80 millions de livres rares et anciens, pour un total de 13 langues. Il existe aussi, pour les passionnés, des associations qui leur permettent de se créer un réseau et de réunir des conseils pour se constituer la meilleure bibliothèque possible : la Ligue Internationale de la Librairie Ancienne, par exemple. Le 23 avril 2016, à l’occasion de la journée mondiale du livre mise en place par l’UNESCO, elle fera la promotion du métier de libraire ancien à travers le monde, dans l’optique de collecter des fonds qui serviront pour l’alphabétisation des pays pauvres. L’accent est mis à la fois sur la solidarité et sur la culture : 2016 est l’année où l’on fête les 400 ans de la mort de Shakespeare et de Cervantes.

Où se retrouver entre amateurs ?

Les évènements permettant aux amateurs de beaux livres et livres anciens de se réunir ne manquent pas : salons du livre ancien et ventes aux enchères se succèdent toute l’année à travers la France. Ainsi l’année 2016 a-t-elle déjà vu se tenir plusieurs évènements d’exception : à Bordeaux, le 24 janvier, a eu lieu le 11e salon du livre ancien, dans lequel de nombreuses œuvres précieuses ont été mises à l’honneur. Un exemplaire de l’original des Fleurs du mal de Baudelaire, annoté par l’auteur lui-même, y a été mis en vente pour la modique somme de 45 000€. Le 5 février, Troyes a été le témoin d’une vente aux enchères de livres anciens et modernes, parmi lesquels figuraient des livres de la Pléiade. Elle a débouché sur la vente à 6000€ d’un ouvrage en édition originale : le Cours d’hippiatrique, ou Traité complet de la médecine des chevaux de Philippe-Etienne Lafosse datant de 1772, illustré à la main, alors même qu’il était initialement mis en vente à 5000€. Quarante collectionneurs étaient présents, pour un nombre de 624 œuvres. Du 22 au 24 avril, la Nef du Grand Palais accueillera en son sein le salon international du livre rare et de l’autographe, anciennement appelé « salon du livre ancien », avec notamment 150 exposants de différentes nationalités, tous affiliés à la Ligue Internationale de la Librairie Ancienne. Chaque visiteur pourra profiter de la vue de manuscrits, d’ouvrages savants, de reliures de luxe et autres livres précieux.

Ceux qui rendent cet héritage possible : les restaurateurs

Mais les collectionneurs de livres anciens seraient démunis sans les restaurateurs, qui permettent à nombre d’ouvrages de s’accorder une nouvelle jeunesse, et parfois même de gagner en valeur. Le restaurateur a une grande responsabilité entre les mains, car de lui dépend l’état physique d’un livre ancien et précieux. Le métier de restaurateur est assez vaste, englobant de nombreuses activités : ainsi, celui qui travaille dans la « reliure et restauration de livres et archives » a pour mission de protéger et réparer des ouvrages anciens, pouvant prendre les différentes formes déjà évoquées, de créer des couvertures, de revaloriser la qualité globale de l’œuvre… Le restaurateur doit toujours se montrer très prudent et soigné, car il lui faut respecter les techniques et spécificités de chaque époque. Il ne traitera pas de la même manière un livre du XVe siècle et un du XVIIIe. Par ailleurs, moins le travail de restauration est visible, mieux c’est. Il convient à la restauration de passer inaperçue, puisqu’il s’agit de retrouver le livre dans un état similaire à celui dans il se trouvait à l’origine.

Pour devenir restaurateur de livres anciens, il faut passer un CAP en arts de la reliure et de la dorure. Pour restaurer des ouvrages graphiques, il convient d’obtenir un master en restauration du patrimoine. Soit le restaurateur travaille en indépendant, soit il fait partie de structures telles que les bibliothèques, les organismes spécialisés, type musées et archives, ou encore des entreprises privées. Il lui est aussi nécessaire de faire plusieurs stages. Le Centre de Formation de Restauration du Patrimoine Ecrit (CFRPE) en propose un certain nombre, comme par exemple une initiation à la conservation du livre ancien, qui cette année se tiendra les 16, 17 et 18 mars, puis les 15, 16 et 17 juin à Tours, ou encore un stage de restauration des bandes-dessinées du 20e siècle, les 9, 10 et 11 mars.

Ses compétences doivent être variées, allant des techniques de peinture, de dorure à la feuille, au film, au balancier, à la gestion comptable et à la chimie, en passant par le sertissage d’éléments de décor. Il va de soi que le restaurateur a tout intérêt à être patient, car le travail de restauration peut s’avérer très long, mais en plus de cela il doit être attaché aux détails et aimer les différentes matières avec lesquelles il est susceptible d’entrer en contact : cuir, toiles, papiers, encres… Le travail de restaurateur, comme il est divers et spécifique à chaque œuvre, présente une certaine versatilité qui plaît, et apporte la satisfaction d’offrir aux autres la possibilité de consulter des livres qui ont traversé les siècles. Il est ainsi au cœur de l’histoire d’une œuvre. Son métier reste néanmoins assez solitaire, puisque son travail minutieux lui demande une concentration extrême, et la fragilité des livres qu’il manipule exige sa présence dans un atelier à l’écart de tout ce qui serait susceptible de nuire encore plus à ces trésors venus d’antan. Par ailleurs, cette branche de métier est très bouchée, car les postes sont rares.

Il arrive pourtant que les restaurateurs rencontrent le public pour le sensibiliser à leur métier. Ainsi, l’association Colophon & Filigrane permet au curieux de découvrir cette activité au cours d’une exposition qui a lieu à Wasquehal (Nord) du 5 au 18 février à l’espace culturel Gérard-Philippe. Les exposants sont des amateurs du beau papier et des arts graphiques, incluant la calligraphie, mais aussi des techniques de reliure. Ces esthètes nous prouvent à la fois que littérature et art sont intimement liés, et que les livres sont intemporels, tant qu’il existera quelqu’un pour les ressusciter.

Michelle Mbanzoulou

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