« Il s’appelle Chien Pourri. Il sent la sardine, il est couvert de puces, et son pelage ressemble à une vieille moquette râpée. Pour ne rien arranger, il est aussi bête qu’il est moche.
Un jour, il décide de courir le vaste monde à la recherche d’un maître. Il rêve de su-sucres, de ba-balles. Il aimerait tant faire le beau pour quelqu’un. Car Chien Pourri n’a pas que des défauts, il a aussi du coeur.
Hélas, les gentils maîtres ne courent pas les rues, et le vaste monde se révèle truffé de pièges. Chien Pourri trouvera-t-il malgré tout le maître de ses rêves ? »
Quel enfant de 7-8 ans n’a pas lu au moins un des Chien pourri de Colas Gutman, illustré par Marc Boutavant ? Le destin de ce pauvre toutou râpé n’est pas des plus enviables. Il est moqué, ridiculisé et en plus idiot.
A l’occasion de la rentrée scolaire, nous avons interrogé l’auteur de ce pauvre cabot pour mieux comprendre la cruauté du monde de Chien pourri.
Lecthot : Chien pourri vit dans un monde très cruel. Comment les jeunes lecteurs réagissent-ils à cela ?
Colas Gutman : L’humour est une chose extrêmement partagée par les enfants, une arme ou un bouclier face à la cruauté de la société. La maîtresse est cruelle mais c’est une caricature, dans une certaine école, élitisme pour chien-chien à leur mémère. Les enfants sont capables de cette distance avec leur propre institutrice. Les abreuver uniquement de gentils maîtres pour les préparer à l’école est une ânerie qui rassure davantage les parents que les enfants.
Par ailleurs, ce n’est pas moi qui maltraite mon chien, mais la société. Et si les enfants ont le sens de la justice, ils ont aussi le sens de l’humour.
L : Quel message cherchez-vous à transmettre à vos lecteurs débutants ?
C.G. : Les écrivains ne sont pas des censeurs. Montrer la société telle qu’elle est ou ressentie est presque un devoir moral. Le rôle de parent en est un autre. C’est la grande confusion qui existe chez les prescripteurs de livres pour enfants : confondre l’auteur avec une sorte de super-parent qui donnerait les clés pour l’armer dans la vie. L’unique devoir de l’écrivain est d’écrire de bons livres qui encouragent l’enfant à en ouvrir d’autres. J’espère y parvenir avec Chien pourri.
Sinon, pour les messages, pas la peine d’écrire des livres, ça tient sur des post-it !
Extrait :
– Regardez ce pelage, cet air ahuri et sentez cette odeur nauséabonde. Mes enfants, approchez ! Voici un chien d’égout, poursuit la maîtresse.
– Maîtresse, je ne le vois pas, dit Chien pourri.
– La basset, apportez-moi un miroir.
Chien pourri se regarde dans la glace (…)
– Je vais avoir une bonne note ? demande Chien pourri en levant la patte.
Chien pourri, Colas Gutman, illustré par Marc Boutavant, éditions L’école des Loisirs.
Propos recueillis par Géraldine Ulmann